· 

juillet 1815 : la bataille de Meximieux

 

L’historiographie des Cents Jours a pris l’habitude, depuis 1922, de prendre le combat de Rocquencourt comme le dernier combat de l’ère Napoléonienne. Mais, comme souvent, l’histoire écrite par les édiles parisiennes méconnaissent ou ne prennent pas en compte, pour plus de commodités, les événements provinciaux pour imposer un point de vue central au détriment de la recherche de fond et de la vérité historique. De fait les derniers combats du Premier Empire n’ont pas lieu à Rocquencourt mais bien à l’armée des Alpes, loin des yeux du Maître.

La région en guerre

Afin de préparer la défense de la région, le maréchal Suchet est envoyé à Lyon comme commandant supérieur des 6e, 7e, 8e, 9e, et 19e divisions militaires, le 4 avril 1815. Dès le 26, il est nommé commandant en chef du 7e Corps d'observation dit armée des Alpes. Suchet a sous ses ordres un corps d’armée de 23 000 hommes. L’armée des Alpes envahit la Savoie, 12 juin. Face à lui, le 1er corps autrichiens commandé par le baron Frimont emprunte la vallée du Rhône et le 2ème corps commandé par le comte Bubna pénètre par la Maurienne. Le 14 juin, Suchet pousse une offensive en Maurienne, Tarentaise et en Faucigny. Toutefois, le 23, les Austro-Sardes contre-attaquent depuis la Haute-Maurienne, la Haute-Tarentaise et le Valais, à la bataille de l’Hôpital le 28. Le 26 juin 1815, conscients de leur infériorité numérique et en l’absence de directives d’un souverain depuis l’abdication de l’Empereur, Curial signe un armistice à Saint-Jean et Dessaix à Carrouge. Suchet doit évacuer la Savoie le 30 juin alors que dans le Jura, la petite guerre oppose les troupes autrichiennes et coalisées contre des troupes françaises composées de soldats, de gardes nationaux de l’Ain 1et de civils.

Les autrichiens, supérieurs en nombre, imposent des conditions d’un armistice humiliantes que le maréchal Suchet ne peut accepter. Les négociations rompues, le conflit reprend. Une nouvelle suspension d’armes est proposée par le maréchal Suchet qui accepte de retirer ses troupes dans les limites du traité de Paris. Acceptée par les autrichiens, elle est conclue jusqu’au 2 juillet 1815 mais cet armistice sera annulé dès le 1er, Frimont imposant de nouvelles exigences inacceptables. Le 1er juillet 1815, Frimont reprend sa marche sur Lyon et les français reculent sur Châtillon-en-Michaille.

 

 

Suchet dans l’Ain

Le 2 juillet, le maréchal Suchet installe son état-major à Pont-d’Ain. « Il est possible que le maréchal ait séjourné au château, les ambulances ayant pu être établies autour, dans le parc »2. Le 3 juillet, le 2ème bataillon du 6ème léger, le 7ème régiment de ligne, le 10ème de chasseurs à cheval arrivent et s’installent à Pont-d’Ain. L’artillerie et les bagages arrivent le lendemain. « Sous peine d’être pris en tenaille, le maréchal Suchet doit quitter Pont-d’Ain le vendredi 7 juillet et se replier sur Meximieux »3. Le 8 juillet deux colonnes autrichiennes avancent dans l’Ain par Dortan et Apremont. Un combat s’engage vers Oyonnax, tandis qu’un affrontement plus sérieux se déroule toute la journée et une partie de la nuit aux Neyrolles, faisant des pertes de part et d’autre. « Continuant leur progression, les 25.000 à 30.000 autrichiens de Frimont traversent Pont-d’Ain le 9 juillet pour se diriger sur Bourg. Ils laissent toutefois une colonne de 15.000 à 20.000 hommes par échelon depuis Pont-d’Ain jusqu’à Montluel »4. Dès lors, Montluel, sans être une place forte, devient, de fait, rapidement une position stratégique que l’invasion renforce ; en effet « un fort poste français établi sur la grande route entre Meximieux et Montluel »5 est attaqué par l’ennemi. Le 7 juillet, le commissaire des guerres Bondurand est à Meximieux où il s’emploie activement à assurer les vivres de l’armée à Lyon et à Bourg par des réquisitions de bœufs. C’est lui qui apprend, le 7 juillet, la victoire d’Exelmans à Rocquencourt au préfet de l’Ain.

 

La bataille de Meximieux

Le 11 juillet, Puthod, commandant de la garde nationale de Lyon, le préfet Pons, le maire Jars et l’adjudant-commandant Ricci de l’état-major de l’armée des Alpes se rendent dans le faubourg de Montluel, route de Meximieux, afin de négocier une suspension d’armes avec les troupes autrichiennes. Cette suspension est proclamée. Toutefois, les Autrichiens pensant avoir obtenu de cette entrevue l’évacuation de Montluel par les troupes française, dirige sur la ville une forte colonne, rompant le cessez-le-feu. On entend avec surprise une vive fusillade du côté de Beligneux, occupé par le 24e de ligne. Attaqué par une forte colonne, ce régiment riposte vivement et se défend avec valeur »6. De leurs côtés, les soldats de la 1ère compagnie du 4e bataillon du 11e régiment d'infanterie de ligne se défendent dans les bois de Loyes. Des accrochages ont lieu le 11 dans les environs de la ville entre des troupes françaises 67e Régiment d'Infanterie de Ligne et les autrichiens. C’est alors un combat de voltigeurs qui se livre entre les deux armées jusqu’à ce que le général Desaix7 met sa division sous les armes et pousse en avant. Le feu se ralentit et cesse. Un traité signé in extremis durant la nuit du 11 au 12 juillet évite la bataille de Montluel. Dès le jour levé, les troupes françaises évacuent Montluel ; le 42e de ligne cantonne à Beynost alors que le 18e dragons stationne à Miribel.

Durant cette affaire, les pertes sont peu élevées. Pour le 67e Régiment d'Infanterie de Ligne, le capitaine Jean Joseph Marie Pradal, de Saint-Chinian, capitaine à la 4e compagnie du 1er bataillon du 67e Régiment d'Infanterie de Ligne est blessé d’un coup de feu au talon droit. Les quelques blessés sont évacués sur les hôpitaux de Lyon et de Montluel. Jusqu’au 19 juillet, les habitants découvrent quelques cadavres de soldats à Loyes, tel celui de Benoît Mollon, de Chatellan en Isère, fusilier de la 1ère compagnie du 4e bataillon du 11e Régiment d'Infanterie de Ligne, qu’un cultivateur retrouve dans les bois et qui est enterré le jour même à 15 heures8. Jusqu’au 21 juillet, deux voltigeurs du 42e de ligne et un fusilier du 67e de ligne meurent dans les hôpitaux lyonnais sans doute des suites de leurs blessures. Le capitaine Pradal de la 4e compagnie du 1er bataillon du 67e régiment d'infanterie de ligne décède de ses blessures le 2 septembre 1815 à l'hôpital de Lyon.

 

 Jérôme Croyet

président-fondateur de l’association SEHRI

texte publié en 2009 dans la revue de l'Académie des Dombes

 

 

1 Le 2 juillet, le 3e bataillon des grenadiers de la Garde Nationale de l’Ain est engagé aux environs de Morez et de Salines où il perd 9 hommes blessés ou tués ; le jour même, un grenadier du 2e bataillon blessé entre à l’hôpital de Lons le Saunier, où il décède le 25.

2 GIORDANENGO (Hervé) : « Pont-d’Ain, une commune de l’Ain dans la tourmente de 1815 » in http://sehri.over-blog.fr/article-31569700.html

3 GIORDANENGO (Hervé) : « Pont-d’Ain, une commune de l’Ain dans la tourmente de 1815 » in http://sehri.over-blog.fr/article-31569700.html

4 GIORDANENGO (Hervé) : « Pont-d’Ain, une commune de l’Ain dans la tourmente de 1815 » in http://sehri.over-blog.fr/article-31569700.html

5 ZINS (Ronald) : « 1815 l’armée des Alpes et les Cents-Jours à Lyon ». Horace Cardon éditeur, 2003.

6 ZINS (Ronald) : « 1815 l’armée des Alpes et les Cents-Jours à Lyon ». Horace Cardon éditeur, 2003.

7 Au 15 juin 1815, cette division est composée des 42e, 53e et 67e de ligne.

 

8 Quelques jours plus tôt, un soldat du 3e Régiment d'Infanterie de Ligne, blessé, est transporté à l’hôpital de Montluel, où il décède de ses blessures, le 16 juillet.

Écrire commentaire

Commentaires: 0