Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau naît le 4 mars 1749 au Brignon. Bien que noble, son père est un économiste réputé proche de la pensée des physiocrates. Défiguré par une petite vérole mal soignée, mais doté d’un esprit vif et cultivé, il entre comme sous-lieutenant dans le régiment de Berry-cavalerie à l’âge de 17 ans. Il quitte l’armée sans autorisation ce qui lui vaut une lettre de cachet de son père pour l’enfermer à l'île de Ré. Libéré, il prend part à la conquête de la Corse en 1768 comme officier de la légion de Lorraine. Redevenu civil, il va dans le Limousin d’occuper de propriétés appartenant à son père.
En 1772, Mirabeau, couvert de dettes, épouse Emilie de Marignane qu’il n’aime pas. Fin 1773, il est arrêté à Manosque le 28 décembre, avec ordre royal du 16 de se rendre au château de Mirabeau. Mirabeau accuse le coup dans un courrier du 15 janvier 1774, faisant valoir n'être pas « assez important...pour être l'objet des attentions du Roi ». Il juge que l'action cherche à lui « inspirer un petit effroi, [ce] dont je ne suis pas très susceptible » flagorne-t-il. Il cherche alors à démonter la lettre de cachet remettant en cause l'arrêt domiciliaire et jouant sur les mots pour ne pas rester enfermé à Mirabeau : « si les intention sud Roi étaient de m'y tenir renfermé, il m'eut sans doute envoyé plutôt dans une citadelle. Demeurer veut dire être domicilié, ou dans son acceptation la plus vigoureuse ne pas découcher. Je ne me croirai obligé qu'à cela » écrit-il au représentant de la justice royale.
Là, sa conduite «et les désordres qu’il y a fait » détermine son père à le faire « exiler dans la ville de Manosque », ce que le Roi accepte le 25 mars 1774. Mirabeau reçoit et accepte la sentence le 9 avril 1774. Suite à « une affaire très grave [où]…il s’est rendu coupable de désobéissance » il est transféré au château d’If « jusqu’à nouvel ordre » par lettre de Versailles du 7 septembre 1774, reçue par l’intendant de Provence le 15 septembre suivant.
Incarcéré au château d’If il est transféré le 25 ami 1775 au château de Joux. La vie au fort est rude : « j’étais arrivé avec des habits de camelot dans un pays où le drap est un trop léger habit d’été, où tout était couvert de neige le 30 octobre et où, les premiers jours de juin, il n’y avait pas une feuille ». Mirabeau obtient l’autorisation de sortir et de chasser dans les environs immédiats du château. Il s’éprend de la sœur du procureur du roi. Il obtient l’autorisation de se rendre à Pontarlier où il loue un appartement à l’angle de la rue de la République. Il devient rapidement la coqueluche des principaux salons pontissaliens. Lors des fêtes données lors du sacre de Louis XVI, il rencontre la jeune dame de Monnier, née de Ruffey, dont le mari est septuagénaire. Devenant amants, il se retrouve chez la Mademoiselle Barbaud avant d’être accueilli chez le vieux mari qui ignore la relation entre sa femme et Mirabeau. Toutefois la rumeur publique parvient aux oreilles de Saint-Mauris, gouverneur du fort, qui met fin à sa liberté ; et ce d’autant plus que Mirabeau a fait imprimer un libelle à Neufchâtel, « Essai sur le despotisme ». Séducteur de femmes mariées, c’est désormais un auteur subversif, qui ne veut pas retrouver les geoles du château de Joux. Mirabeau disparaît après un bal donné en son honneur par le marquis de Monnier, le 14 janvier 1776.
S’il se cache dans un premier temps à Pontarlier, il rejoint Dijon où il retrouve Madame de Monnier, avant de s’échapper d’une première arrestation. Fin mai et début juin, la dame Monnier tente de le rejoindre aux Verrières, en Suisse ; en vain. Toutefois, le 24 août, habillée en homme, elle rejoint Mirabeau. Vivants d’abord en Suisse, ils se rendent en Hollande. L’enlèvement de la dame Monnier défraye la chronique. Le mari cocu dépose plainte le 1er octobre 1776. Jugé par contumace en procès criminel devant le bailliage de Pontarlier, Mirabeau est jugé le 10 mai 1777 pour rapt, séduction et adultère. Il est condamné à avoir la tête tranchée en effigie. La sentence est exécutée le 17 juillet, place des Casernes. Le 14 mai 1777, les deux amants sont arrêtés et ramenés à Paris le 6 juin. Mirabeau est enfermé plus de trois ans au donjon de Vincennes. Le 5 juillet 1783, la marquise de Mirbeau « est déclarée séparée de corps et d'habitation dudit Honoré Gabriel de Riquety de Mirabeau son mari ».
Le marquis de Sade est enfermé au donjon de Versailles du 13 février 1777 au 29 février 1784, date à laquelle il est transféré à la Bastille. Mirabeau, condamné à mort pour rapt et séduction est soustrait à cette sentence par une lettre de cachet obtenue par sa famille. Il est conduit au donjon de Vincennes le 8 juin 1777. C'est à là que Sade aurait été le voisin de geôle de Mirabeau. Une altercation les aurait même opposée. Durant leur incarcération, les deux provençaux se tournent vers la littérature pour tromper l'ennui de l'incarcération. Libres, les deux hommes gardent de leur séjour dans les goeles royales un ressentiment qui fera d’eux des révolutionnaires : Mirabeau député à la Constituante et Sade, président de la section des piques en 1792 à laquelle appartenait Robespierre.
Jérôme Croyet
docteur en histoire
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