Lettre du général Buquet, chef de l’état-major général de la gendarmerie, datée de Paris le 19 novembre [1808] et adressée au Ministre de la Guerre.
« j’ai l’honneur d’informer votre Excellence que le 11 de ce mois, vers 4 heures de l’après-midi, au moment où un détachement du 70e régiment de ligne, faisant parti de l’armée du Portugal, arrivait à Blaye (Gironde), un soldat de la compagnie des voltigeurs refusa d’obéir à un officier ; le sieur Lemaire, sous-lieutenant, qui lui ordonnait de porter l’arme au bras, et ayant ajouté un second refus, des paroles grossières. L’officier lui applique un coup de plat de sabre sur le dos, cette correction déplut à un camarade du voltigeur et il se permit de menader et d’injurier à son tour le sous-lieutenant. Celui-ci crut le forcer au silence et au respect en lui faisant craindre le même châtiment ; mais le voltigeur continua ses menaces, en ajoutant qu’il lui passerait sa baïonnette à travers le corps. Alors l’officier, poussé à bout, lui donna un coup de revers de son arme ; le soldat voulut présenter sa baïonnette mais l’officier cédant à un premier mouvement d’emportement, ou peut-être de légitime défense, tendit le bras et blessa le soldat1 d’un coup mortel.
La municipalité prévenue s’est transportée sur les lieux, a dressé procès-verbal de l’événement, et a fait inhumer le cadavre en observant les formalités d’usages.
Le sous-lieutenant Lemaire est parti de suite pour aller à Bordeaux faire son rapport au général. Il paraît jouir de l’estime de tous ses camarades et n’a pas caché son désespoir d’avoir été porté à une aussi fâcheuse éxtremité.
Aucune plainte n’étant parvenue à ce sujet au lieutenant de gendarmerie de la résidence de Blaye, cet officier s’est borné à me rendre compte des faits ».
1Il s’agit de Jean Kerstayer, né à Strasbourg en 1787. Son acte de décès est enregistré sur le registre des actes d’état-civil de Blaye, le 12 novembre 1811.
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