1792 : les arbres de la Liberté dans l'Ain

LES ARBRES DE LA LIBERTE

 

            Si les premiers arbres de la Liberté sont plantés en France dès 1790, il faut attendre la grande vague de plantations de l’après déclaration de la guerre en 1792, pour que les arbres de la Liberté fleurissent dans le département de l’Ain, celui de Neuville les Dames est planté suite à une délibération de la municipalité du 4 juillet 1792. L’image symbolique que donnent les révolutionnaires de la plantation de l’arbre de la Liberté n’est autre que la reprise de la tradition du mai d’honneur “ pour l’appliquer à l’amour de la liberté ”[1] pour en faire une image idyllique où l’arbre “ remplit une fonction pédagogique et civique ”[2]. “Humanisé et sacralisé, il symbolise la liberté mais aussi la fraternité et l’unité[3]. Pour les sans-culottes, c’est le symbole ostensible de la régénération : “il sera planté un arbre de la Liberté qui renaîtra tous les printemps en signe d’accroissement de notre liberté ”[4]. L’arbre de la Liberté est durant toute la Révolution dans l’Ain le lieu de démonstration de l’attachement aux valeurs républicaines, ainsi à Pont d’Ain, le 17 juin 1792, sa plantation est décidée car les habitants de la commune sont attachés à la constitution. Il est le lieu de convergence de l’engagement révolutionnaire tel, le 10 pluviôse an IV, où l’administration du canton d’Ambérieu y fait brûler une couronne, tandis qu’en l’an VI, l’administration du canton de Versoix l’entoure d’une montagne.

Dans l’Ain, ces plantations sont souvent le fait de femmes, comme à Béon, où  symbole, il remplace la croix à la croisée des chemins du village. Celui de Neuville est planté sur la place. A Treffort, il est planté par la société populaire le 10 ventôse an II. La plantation prend une tournure festive en l’an II à laquelle doivent s’associer tous les républicains : il est le signe de ralliement au nouveau pouvoir. Le choix des arbres n’est pas un symbole, à Treffort, il s’agit d’un peuplier, à Arbent d’un chêne et à Pérouges d’un tilleul[5]. Les frais de plantation des arbres sont généralement aux municipalités, tandis que beaucoup d’arbres sont offerts par des citoyens, celui de Montanay, planté en 1793, est offert par une veuve.

La plantation d'un arbre n'est pas une chose facile et demande de l'argent mais aussi beaucoup de travail préparatoire : pour la plantation de l'arbre de Journans, en nivôse an II, le coût est de 12 livres et de 4 jours de travail préparatoire. Mais il arrive souvent, comme à Treffort, Montanay, Leyment ou Pérouges, que le premier arbre, meurt, faute d'une bonne plantation. On en fait alors planter un second. Toutefois, il arrive, plus rarement, que l’arbre primitif soit remplacé pour des raisons de commodités patriotiques comme à Saint-Jean-le-Vieux, où le 27 ventôse an II, la société populaire se propose de remplacer l’arbre de la liberté actuel par l’arbre de mai planté devant chez Desvignes, un sapin plus à même d’être surmonté par le bonnet de la liberté.

Après un premier texte législatif sur la plantation des arbres de la Liberté, le 3 pluviôse an II, cette pratique se ralentit après le 9 thermidor an II jusqu’au 28 pluviôse an VI, lorsque le Directoire fait de cette plantation une fête révolutionnaire. La symbolique liée à l’arbre ne fait pas toutefois l’unanimité. Si durant l’an II, l’animation civique tourne autour de l’arbre, durant le Directoire, la ferveur religieuse ranimée par les missions des nombreux prêtres réfractaires pousse certains croyants à s’attaquer au symbole qu’est l’arbre de la Liberté. Ainsi, le 30 frimaire an 4, deux habitants d’Arbent abattent le chêne de la liberté à coup de hache. L’affaire est jugée tellement grave par l’administration départementale qu’elle est envoyée devant le tribunal criminel du département. Malgré cette mesure judiciaire, les attaques contre les arbres ne cessent pas, surtout sous le Directoire : le 26 floréal an 4, l’arbre de la Liberté de Béon est abattu par des fanatiques et remplacé par la croix qu’il y avait avant ; le 2 floréal an V, c’est l’arbre de la Liberté de St Jean de Gonville est coupé et enlevé. Toutes ces actions ne sont pas le fait de fanatiques mais peuvent être celles de citoyens passablement enivrés, comme le 24 floréal an VII, où, lors de la fête baladoire de la Tranclière, des citoyens abattent l'arbre de la liberté. Dans tout les cas ces actes sont pris très au sérieux par l'administration du département qui, via l'accusateur public du tribunal criminel du département, demande des enquêtes.

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

mis en ligne par l’association SEHRI

 



[1] Mission du Bicentenaire de la Révolution Française : Les arbres de la Liberté, Bicentenaire de la Révolution Française, 1989.

[2] Les arbres de la Liberté, Bicentenaire de la Révolution Française, 1989.

[3] LIRIS (Elisabeth) : “ le symbolisme révolutionnaire ” in l’état de la France pendant la Révolution Française. Editions de la Découverte, Paris, 1988.

[4] Registre de délibération de la société populaire de Treffort. A.D. Ain 13L .

[5] L’arbre de la liberté de Pérouges est toujours majestueusement au centre de la place du village.

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