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1870 : les officiers du 57e d'infanterie s'expliquent

Les officiers du 57e régiment d’infanterie certifient sur l’honneur que la capitulation de l’armée et de la ville de Metz s’est effectuée dans les circonstances suivantes, du moins en ce qui les concerne.

Depuis le 19 août [1870], jour où l’investissement de la place a commencé, jusqu’au 1er septembre, l’armée est restée plongée dans une ignorance complète de la situation militaire et politique de la France.

Le 19 septembre, par un ordre de mr le maréchal commandant en chef, lui annonce la formation d’un comité de défense nationale dont il donne la composition.

Du 19 septembre au 19 octobre, rien.

Le 19 octobre, lendemain de la rentrée de mr le général Boyer, envoyé en mission , les officiers du régiment sont réunis pour recevoir une communication de mr le maréchal commandant en chef, aux généraux de division.

La situation du pays à ce jour leur est dépeinte de la manière suivante :

au point de vue politique ; l’anarchie en France. Le gouvernement de la défense nationale renversé ou débordé, deux de ses membres (mrs Gambetta et de Kératry) ayant lâchement déserté leur poste en fuyant en ballon. Le drapeau rouge flottant sur Lyon. Toutes les villes un peu importante se gouvernant chacune à sa façon.

Lille, Marseille, Bordeaux et d’autres grands centres mettant leurs intérêts commerciaux au dessus du patriotisme. Rouen et le Havre demandant des garnisons prussiennes.

Au point de vue militaire. Strasbourg rendue après une défense héroïque. La capitulation de Sedan connue. Les efforts de la France sur lesquels nous comptions tant pour la sauver se réduisant à la levée dans l’Ouest d’une armée de 40 000 hommes commandée par me le général d’Aurelle de Paladine. Cette armée battue est impuissante.

Mets ne possédant plus de vivres pour elle et pour l’armée que pour très peu de jours.

Dans cette communication, les officiers ont appris en outre que le Roi de Prusse cherchait à traiter de la paix à des conditions satisfaisantes ; que ne trouvant aucun gouvernement régulier établi en France, il accepterait la conclusion d’un traité provisoire passé avec sa Majesté l’Impératrice régente, que mr le général Boyer était parti pour l’Angleterre afin d’obtenir l’acquiescement de l’Impératrice à cette proposition.

Dans cette réunion, les officiers ont encore appris avec injonction d’en faire part à la troupe, que si les conditions conditions faites à l’Impératrice étaient acceptées, l’armée sortirait de Metz avec les honneurs de la guerre. Qu’il serait réservé à cette armée l’avantage d’un beau rôle, celui de rétablir l’ordre dans le pays, d’assurer la liberté de ses élections et la formation d’un gouvernement qu’ils se choisirait.

Il a été également dit aux officiers qu’un conseil de guerre s’était réuni dans le but de discuter la possibilité de se faire jour à travers les lignes ennemis et qu’il avait été reconnu qu’une tentative de ce genre n’offrait aucune chance de succès, vu la force écrasante des troupes qui nous entouraient, l’importance des ouvrages ennemis et le manque absolu de vivres et de moyens de transport.

Le 27 octobre, les officiers du régiment ignorent la rentrée de mission de mr le général Boyer. Ils sont de nouveaux réunis et il leur est exposé que l’épuisement des vivres et l’impossibilité de résister plus longtemps, même en affrontant une chance sur mille, rendent la capitulation inévitable, que les conditions faites par l’ennemi sont dures et que les officiers n’ont plus qu’à préparer les soldats à accepter dignement le fait accompli, qu’il ne reste à régler que des questions de détail et que mr le Maréchal, commandant en chef, assume sur lui seul, la responsabilité du traité qu’il conclut avec l’ennemi.

Le 28 octobre, à 3 heures du soir, le régiment n’a pas encore reçu de mr le Maréchal commandant en chef, l’avis officiel de la capitulation, ni d’aucune de ses clauses. Il lui est seulement parvenu un ordre d’adieu de mr le général commandant la 1ère division du 4e corps, exhortant les troupes sous son commandement à la dignité et à la résignation dans la dure nécessité ou elles se trouvent de rendre leurs armes. Les compagnies sont réunies à ce même moment et rendent leurs armes.

Après les recommandations faites par nos chefs de procéder avec toute la dignité possible à l’accomplissement de cet acte, dans le but d’éviter un redoublement de rigueur de la part de l’ennemi ; rigueurs qui retomberaient comme conséquence d’un acte d’insoumission sur nos frères d’arme et sur la population, nous avons été contraints de nous résigner pensants que toute résistance eut pu être qualifiée de bravade intempestive.

Tels sont les faits dont nous venons d’être témoins et que nous avons voulu relater par écrit.

 

Fait à Moulins-les-Metz, le 28 octobre 1870.

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