notes
La bataille des rues, dont la Révolution de Juillet [1830] est sortie victorieuse, a pris au dépourvu nos habitudes, nos préjugés et notre organisation militaire.
Lorsque les troupes régulières sont attaquées par le peuple qui se bat dans un ordre qui a toute l’apparence du désordre, elles sont indignées de tant d’audace et leur premier mouvement d’indignation, comme de mépris, est de se précipiter sans réflexion sur des adversaires dont elles font fort peu de cas.
Le feu meurtrier, et la grêle de projectiles de toute espèce qui partent des caves, des portes, des fenêtres et du ciel, leur font éprouver des pertes considérables, les punissent aussi de leur témérité, et dans tous les cas, rendent inutiles leur ardeur et leur dévouement.
Paris et Lyon sont là pour démontrer la vérité de ce que nous avançons.
En pareil circonstance, un officier de tête et de cœur, nous semble n’avoir que deux partis à prendre, pour sortir avec honneur d’une lutte pareil.
1 – Lorsqu’on a reconnu l’impossibilité de se maintenir dans la ville, il faut l’évacuer le plus promptement possible. Dans cette hypothèse, on ne saurait nier que la nuit offre des avantages certains pour se retirer. Lorsqu’on est sorti des rues, on devient libre de ses mouvements et les troupes ne formant qu’une seule masse, peuvent prendre l’initiative et attaquer un point faible avec qeulques espoirs de succès. C’est ainsi qu’on pouvait manoeuvrer à Lyon ; après avoir décrit une marche circulaire autour de la ville et sur un terrain qui aurait été reconnu d’avance. On aurait pu, dès la pointe du jour de la seconde journée, se présenter en masse devant la Croix Rousse, et opérer un effort concentré avec toutes les forces réunies, infanterie, cavalerie et artillerie. L’occupation de ce point était décisive ; les troupes n’auraient pu y être forcée.
2 – Si l’on juge à propos de se maintenir à tout prix dans la ville pour y attendre des renforts, il faut ne point se priver des avantages de l’initiative, il faut faire soi-même son lot et choisir le terrain sur lequel on veut accepter le combat.
Lorsque d’après les forces dont on peut disposer, on a déterminé avec précision l’étendue du front qui doit être défendu, on prend position sans inquiétude de tout ce qu’on abandonne. Là, semblable à un rocher, on brave la tempête, en lui opposant une énergique impassibilité. Lorsque les flots populaires sont venus se briser contre le courage discipliné, lorsque le sang répandu à refroidi l’ardeur de cette masse désordonnée, et que les résultats désastreux d’une confiance aveugle ont amené l’hésitation, quelques retours offensifs vigoureusement éxecutés doivent achever de jeter le découragement au milieu d’une multitude qui manque d’ordre, d’ensemble et qui n’est plus à craindre dès que son premier mouvement d’entraînement et d’effervescence est passé.
A L’appui de l’opinion qui vient d’être émise, on pourrait multiplier les citations historiques. On se contentera de faire remarquer que c’est d’après ces principes qu’agit le général Bonaparte au 13 vendémiaire lorsqu’il sauva la Convention et c’est par des dispositions analogues à celles que nous signalons, que le brave 84e régiment mérita à Gratz en 18091, l’immortelle devise qui fut inscrite au bas de son aigle : un contre dix2.
1 La bataille a eu lieu le 25 et 26 juin 1809. Deux bataillons du 84e régiment de ligne, commandés par le colonel Gambin, laissent dans la ville de Graz. Le 26 juin, le général autrichien Giulay se présente devant cette place avec un corps de 10 à 12 000 hommes. Le colonel Gambin place ses deux bataillons dans les faubourgs de la ville, repousse toutes les attaques de l'ennemi, le culbute partout, lui prend 500 hommes, 2 drapeaux, et se maintint dans ses positions jusqu'à l'arrivée des renforts du général Broussier.
2 L’épée d’honneur du général Gambin, portant la devise du 84e de ligne gravée sur la chape est conservée au Musée de l’Empéri, à Salon-de-Provence, et visible en vitrine 6, de la salle 13 de l’exposition permanente.
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