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1812 : le génie durant la campagne de Russie

En avril 1811, napoléon donna au général Clarke, ministre de la guerre, les ordres suivants relatifs au  personnel et au matériel des équipages de pont :

"Un directeur général des ponts sera nommé; il aura ses outils, ses pontons, ses bateaux, comme il a son personnel. Chaque compagnie de pontonnier aura : une voiture d'outils, et dans cet assortiment d'outils sera compris tout ce qui est nécessaire pour réparer un pont et même faire des radeaux, des bateaux et des cordages."

Il écrit à nouveau le 4 décembre 1811 : "Tout ce qui est relatif à l'équipage d'artillerie de la Grande Armée est organisé hormis le service des ponts; il faut que ce service soit organisé très largement; il faut des pontons à chaque corps d'armée et des moyens pour réparer les ponts."

Au début de l'année 1812, à Dantzig, on s'occupe de la construction des voitures, bateaux et agrès nécessaires à l'entreprise de cette mémorable campagne. Chaque haquet était chargé d'un bateau et de ses poutrelles, avec les madriers, ancres, cordages d'ancres et d'autres agrès : le tout pesait 3.000 kilogrammes (2500 chevaux de traits et 500 voitures!).

Le premier bataillon de pontonniers fournit 7 compagnies à l'armée de Russie. Le 2° bataillon marcha tout entier avec l'armée du roi d'Italie. L'équipage réalisé à Dantzig fut remis au général EBLE, qui prévit le mauvais service qu'il obtiendrait des voitures peu mobiles par leur mode de construction et par leur chargement. Ainsi début juin 1812, 100 bateaux et leurs nacelles partirent de Dantzig. Ils étaient partagés en deux équipages partiels et suivis d'un troisième composé de quelques nacelles, d'ancres, de cordages, d'une sonnette et de divers objets. Ce dernier équipage d'agrès, composé d'une centaine de voitures, avait pour but de fournir les moyens d'établir promptement des ponts avec les bateaux et les bois qu'on espérait trouver dans les pays qu'on allait parcourir.

Les pontonniers, protégés par l'artillerie établie sur les hauteurs, commençerent dans la nuit à passer des troupes en bateaux. La construction de trois ponts, espacés de 300 mètres, fut terminée à 4 heures du matin. Le 24 juin, au soleil levant, 220.000 hommes avaient franchi le fleuve et marchaient sur WIlna.

Ces  trois ponts restèrent tendus quatre jours, on les replia et l'un d'eux fut conduit à Piloni pour le passage de l'armée d'Italie.

Dans leur mouvement offensif sur Wilna, les pontonniers jetèrent sur le même fleuve, des ponts de radeaux à Grodno, à Oléta, à Meretch et à Niementchen, car le Grande Armée marchait en trois masses séparées.

Dans les 30 lieues qui séparent Kovno de Vilna, on reconnut la difficulté de traîner un équipage si pesant. Avec de grands efforts, il ne pouvait faire que 3 ou 4 lieues dans un de ces longs jours d'été.

Pour que les haquets parcourussent des rampes tant soi peu rapide, on était obligé de fixer des cordages à ses voitures et de les faire tirer, simultanément avec des chevaux, par 20 ou 30 hommes. Les chevaux, mal nourris, ruinés par un tirage forcé, marquèrent bientôt et, pour compléter les attelages, on laissa des voitures en arrière.

Ils arrivèrent le 28 juin à Wilna, sans résistance sérieuse. Les Russes avaient brûlé le pont de cette ville; les pontonniers, aidés par des ouvriers lithuaniens, rétablirent les parties brûlées et en construisirent un second, prés du premier, avec des arbres équaris qu'ils  trouvèrent sur les rives; arbres de 30 mètres de longueur et d'un équarissage si fort qu'on ne mit guère que 7 arbres par radeau! Tous ceux d'ailleurs qu'ils construisirent pendant cette campagne étaient composés avec des arbres de dimensions analogues. Le centre de gravité était difficile à déterminer exactement, et il fallait, pour rétablir l'équilibre, glisser dans l'intervalle des arbres et sous la queue des radeaux des arbres d'un échantillon plus faible.

C'est ainsi que les pontonniers évitèrent les graves accidents qui auraient pu se produire, surtout sur les lourdes  voitures des équipages militaires.

Depuis qu'on avait quitté Wilna, l'armée était, à chaque instant, arrêté par la destruction des ponts. Dans ces contrées marécageuses et boisées, le nombre des ponts était infini. Il en fallait pour traverser non seulement les rivières et les ruisseaux, mais les eaux stagnantes qui couvraient les campagnes; aussi le corps des pontonniers était il fort occupé et, pour suffire à la tâche, il avait besoin de tout le dévouement dont il était  rempli et du noble exemple de son chef le général EBLE.

Le 28 juin, dès leur arrivée à Vitepsk, sur la Dwina, les pontonniers reçurent l'ordre de laisser tous les bateaux dans cette ville et de n'en conserver que 28 pour suivre l''armée jusqu'à Moscou. Cela  résultait des fatigues éprouvées dans les premières marches et des routes défoncées par les orages; on avait déjà beaucoup perdu de chevaux, et l'on était réduit à atteler des boeufs aux voitures sans attelages. La chaleur du jour était suffocante et, quand on la compare au froid glacial qu'ils éprouvèrent sur la Bérésina, cela semble une dérision amère de la nature.

Le 29, ils firent franchir cette même  rivière au maréchal Ney, à l'aide d'un pont de bateaux qu'ils construisirent devant Suderwa. Le 7 juillet, le général EBLE organisa un équipage de 32 bateaux avec deux compagnies de pontonniers pour faire partie du détachement commandé par le général Kirgener, qui se dirigeait sur Vidry, et pour venir en aide à l'armée du roi de Naples. Ces compagnies étaient chargées de réparer les ponts avariés.

On accorda au général EBLE 200 paires de boeufs à l'effet de soulager les chevaux et pour que l'équipage de pont de la garde put arriver à temps à Sweintsainy.

Les pontonniers étaient déjà, à cette époque, réduits aux deux tiers de leur effectif. Lors du passage du Niémen, la disette les avait forcés à faire un usage immodéré de viande qu'ils se procuraient avec facilité. Il était résulté de l'abus de cette nourriture, qu'une eau marécageuse rendait encore plus malfaisante, une dysenterie à laquelle peu d'individus échappaient.

 

Les 2°, 7°, 9° compagnies du 1° bataillon et les 2°, 3°, 4° et 5° compagnies du 2° bataillon fortes d'environ 400 hommes en bon ordres, ayant conservé leurs fusils, ils arrivèrent le 25 novembre entre 4 et 5 heures du matin, devant Borisow. Le matériel consistait en six caissons renfermant des outils d'ouvriers en bois et en fer, des clameaux, des clous, des haches, des pioches, du fer, 2 forges de campagnes et 2 voitures chargés de charbon. De  plus le général EBLE  avait fait prendre à Smolensk, à chaque pontonnier, un outil, 15 ou 30 clous et quelques clameaux que tous déposèrent fidèlement au lieu choisi pour faire les préparatifs du passage. Le général Chasseloup avait sous ses ordres plusieurs compagnies de sapeurs (450 hommes) et les restes des bataillons du Danube (ouvriers de la marine). Il fut conçu trois ponts de chevalet, deux exécutés par l'artillerie et un par le génie.

 

Thierry Vette

 

Uniformologue, Avignon

membre de la SEHRI

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