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les confections d'état et les fabrications particulières

CONFECTIONS D’ETAT.

Si une partie des uniformes est confectionnée à la demande des conseils d’administration par des ouvriers spécialisés ou par des tailleurs, le reste s’opère au sein d’ateliers d’Etat ou de dépôts militaires ; c’est notamment le cas pour les chemises et les chaussures. Ces ateliers sont disséminés sur l’ensemble du territoire  national. En 1793, on en trouve par exemple un à Trévoux (dans l’Ain) et un autre à Lille. Ces structures confectionnent les vêtements au profit de l’unité destinataire. Le 25 janvier 1797, le commissaire ordonnateur en chef Déniée ordonne ainsi à Poulins, inspecteur-général de l’habillement, de faire produire à Milan 46 paires de souliers et 46 paires de guêtres. De même, cette missive stipule la fourniture du drap nécessaire à la confection de 46 habits, culottes et vestes destinés à la compagnie de canonniers attachée à la 12e demi-brigade d’infanterie légère.

Au vrai, les uniformes fabriqués par l’Etat – et expédiés en tonneaux ou en ballots[1] – obligent les conseils d’administration à revoir à la baisse leurs exigences au plan qualitatif. En effet, ces vêtements ne peuvent plus être refusés par les régiments à qui ils sont destinés, et ce, en dépit de la faible qualité du drap ou de l’inadéquation de leur coupe. Ainsi, le 14 novembre 1811, arrivent de France des habits destinés au 12e régiment d’infanterie de ligne, unité alors stationnée en Espagne. Son colonel demande aussitôt de les faire « arranger avec soin, pour que les hommes auxquels ils sont destinés puissent les porter jeudi prochain à l’inspection qui aura lieu » [2]. En cas de litige, les services préfectoraux font office de médiateur. Début 1814, l’administration préfectorale des Pyrénées-Orientales intervient ainsi pour solutionner un différend opposant des fournisseurs d’habits aux conseils d’administration des 115e et 143e régiments d’infanterie de ligne.

 

CONFECTIONS PARTICULIÈRES.

Lorsqu’un régiment ne possède guère de tailleurs attitrés ou que l’Etat ne lui livre pas d’uniformes, son colonel – ou son major – peut recourir au savoir-faire de tailleurs civils pour confectionner des effets. En 1811, cette solution est retenue pour ré-équiper les hommes du 126e régiment d’infanterie de ligne, encore revêtus de l’uniforme du duché de Nassau.

Comme souvent, la Garde Impériale se distingue. En effet, une partie de ses uniformes est fabriquée chez des tailleurs civils parisiens, tels Yvé, maître tailleur des marins de la Garde (installé au 231, Palais Royal) ou Chardon, fournisseur de coiffures de la Garde, 19 rue de la Monnaie. Outre une fabrication soignée quelles que soient les circonstances, les matériaux employés pour la confection de ses uniformes sont – y compris en 1813 – de grande qualité. Seule exception notable : les régiments de gardes d’honneur, dont les uniformes sont confectionnés dans les départements à l’aide de modèles.

Les officiers font réaliser leurs uniformes par des tailleurs civils, quand ils ne se les revendent pas entre eux, à la suite d’une mutation. Sortant des gendarmes d’ordonnanceHippolyte d’Espinchal – tout nouvellement affecté au 5e régiment de hussards – reçoit ainsi en cadeau l’uniforme d’un capitaine dudit régiment, passé aide de camp.

Enfin, des unités restent dépourvues d’uniformes. Le 7 septembre 1808, Napoléon s’en plaint à son ministre Dejean :

Le 52e a encore à son dépôt, dans la 28e division militaire, 80 hommes habillés en paysans ; le 67e, 15 hommes ; le 101e, 200 ; le 102e, 240. Dans la 27e division militaire, le 6e a 33 hommes habillés en paysans ; le 14e léger, 41. Cela me paraît très-abusif. Faites-moi connaître pourquoi ces hommes n’ont pas sur-le-champ des culottes et vestes d’uniforme.

 

Jérôme Croyet

Docteur en histoire

Conférence donnée à Corps lors des journées Napoléoniennes 2005

 



[1] Le 8 décembre 1792, les redingotes destinées aux armées des généraux Beurnonville et Custine sont expédiées dans 92 ballots.

[2] Collection particulière, Livre d’ordres du 12e régiment d’infanterie légère.

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