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le siège d'Ancône

Suite à la défaite de Novi et à la mort du général Joubert, la République Française perd peu à peu l’Italie du Nord. Avec le départ de Mac Donald, « le reste de l’Italie…est en pleine insurrection, et peu à peu les garnisons françaises doivent capituler et sont ramenées en France…Ancône, sous le commandement de l’énergique Monnier, tient jusqu’au 16 novembre. Après avoir repoussé plusieurs sommations il sort de la ville, dont les remparts sont ruinés, avec les honneurs de la guerre. Il ramène 1 500 hommes à Gênes » [1]. C’est durant ce siège que la valeur militaire du général Dulong de Rosnay est révélée.

Découvrons une relation inédite de ce siège oublié.

« C’est le 28 floréal an 7ième que la flotte turco-russe parut devant Ancone et jeta pendant 3 heures 7 à 800 boulets ou obus sur le port et la ville à qui ils ne fissent aucun mal.

Dans le même moment Ascoli et St Benedetto se soulevaient. Tous les habitants conduits par un prêtre appelé Don Donat de Donatis prennent une quatrième fois les armes et soutiennent un 4e siège contre les français. Ascole fut aussi la 1ère ville qui leva l’étendard dans la guerre civile contre les romains. Elle fut prise par Pompé Strabon père du grand Pompé. Fortifié par la nature et défendue par le fanatisme elle a coûté beaucoup de sang aux français.

Tous les pays voisins, Macerata, Osimo, Yeti, Lorette, Sernus, Vittela Nova ont été le théâtre de la guerre pendant le siège d’Ancone.

Les turcs, les russes, les albanais, les paysans insurgés ont ravagé la malheureuse ville de Imegallia.

Le 5 messidor les troupes françaises se rendirent à Pavie, le 6 à Soppombron. Le 7 elle forcèrent le passage del furlo percé par Annibal [2]. Les paysans insurgés par milliers s’étaient retranchés dans ce site plus facile à garder que le passage des Thermopiles. On y entre en passant sous une voûte taillée dans le roc vif elle a 30 toises de long sur trois d’élévation et deux de largeur. A la sortie de cette grotte l’œil voit à droite une chaîne de rochers taillés perpendiculairement qui s’élèvent aux nues. A gauche le pretauro roule ses flots dans des abysses qui nous séparent d’une autre montagne aussi escarpée. Le chemin passe sur une corniche étroite le long des rochers. Les brigands faisaient pleuvoir du haut de la montagne une grêle de balles et de pierres. L’état-major et la cavalerie traversèrent ce défilé au grand galop et les soldats à la course. Les brigands furent épouvantés de tant d’audace et se dispersèrent dans les bois. L’opinion générale du peuple était que les français trouveraient leur tombeau dans ces gorges entrecoupées de précipices que la nature a rendu inabordable.

Le 17 messidor à la pointe du jour le général Monnier et les troupes françaises parurent devant Macerata qui était au pouvoir des insurgés commandés par le général cisalpin Lahoz. Il établit l’artillerie d’abord aux Zaccolanti sur la route de Tolentino, et puis à l’arc de triomphe qui est aux avant postes. Le petit bastion qui est en avant de la porte romaine fut bientôt détruit. Les français entrèrent pas la brèche et massacrèrent tous les révoltés qu’on rencontra. Les prêtres avaient dressés partout des autels richement décorés. On avait placé devant l’église cathédrale un St Georges tout doré, resté seul à cheval au milieu de six flambeaux. Le peuple portait à ses pieds les boulets et éclats d’obus [3].

Lahoz général cisalpin que j’ai souvent vu, venait de pactiser avec l’Empereur. Il débarque à Serno appelle au nom du Pape et des princes coalisés le peuple à l’insurrection. Organise en troupes réglés tous les insurgés et tire de l’artillerie du fort de Pescara. Il occupait la ligne de St Elpidio, St Justo et Monte del Olmo.

Le 4 thermidor, l’escadre turco-russe reparut devant Ancone. Cette division était entièrement abandonnée à elle même et réduite à 2 000 hommes environ.

Lahoz eut bientôt assez de troupe pour venir mettre le siège devant Ancone. Ses manœuvres étaient hardies. Il ouvrit la 1ère parallèle sur la montagne de Ste Marguerite le 17 thermidor. Les esclaves et les turcs étaient plus acharnés encore que les paysans. C’est de ce jour que date vraiment le siège.

Ancone est très mal fortifié, ses forts mal bâtis et donnant de tous les côtés, avaient été construits pour dominer la ville et non pour la défendre.

Le 10 fructidor, le général Lahoz établi des redoutes sur le monte Pelago. Il approche bientôt ses ouvrages à 300 toises de la ville [4].

Le 8 vendémiaire une colonne de 8 600 autrichiens commandés par le baron de Frolich parut sous les murs d’Ancone et fit sommer de lui rendre la ville.

Le 9 vendémiaire dans la nuit une partie de la garnison exécute une sortie dans le plus grand ordre[5]. Les tambours commencent à battre la charge à 20 pas de l’ennemi qui fuit de toute part, nous laisse ses drapeaux et son artillerie. Lahoz défendait la seconde redoute. Tous ses soldats l’abandonnèrent et fuient. Il se battait en désespéré et cherchait une mort glorieuse. Il s’élance de la redoute à cheval, franchit les fossés, se précipite au milieu des troupes françaises et leur tire deux coups de pistolet. Ce trait de désespoir intimida les soldats qui cherchaient à le faire prisonnier. Ils se rallient à la voie du général cisalpin Pino. Balby grenadier cisalpin reconnaît Lahoz qui se défendait en furieux. Il l’ajuste et le blesse mortellement et lui enlève son sabre et son panache. Pino et Lahoz compagnons dans la même carrière avaient été amis pendant plusieurs années. Lahoz Couvert de sang entrevoit Pino, l’appelle son ami et demande du secours. Pino paraît d’abord ami, mais l’indignation succédant à la sensibilité, Pino ne voit plus qu’un traître il le repousse et ordonne qu’on l’achève. Ainsi périt le général Lahoz à qui l’on ne peut refuser de la bravoure, un caractère ferme et actif et les calculs de chef de parti.

A la suite des altercations qu’il avait eu avec le général Montrichard à Bologne et à Serraze, il quitta le parti républicain se mis à la tête des insurgés de la Romagne et bientôt à la tête de ceux de l’Abbruze. J’ai souvent ouï dire en Italie que son but était d’exciter une guerre civile générale de faire prendre les armes au peuple entier et de proclamer ensuite l’indépendance de l’Italie. Ce projet exigeait beaucoup de ménagements et il fallut d’abord paraître l’agent des Autrichiens et du Pape pour venir à bout d’armer le peuple qui leur était attaché. Il fallait se déclarer l’ennemi des Français qui étaient généralement mal vu pour pouvoir ensuite se délivrer des uns et des autres.

Ancone capitula le 23 brumaire après 105 jours de siège réglé, tous les ouvrages de la place étaient détruits et les provisions manquaient. Cette place obtenue la capitulation la plus honorable et la plus avantageuse et a prouvé que le seul moyen de se faire respecter et bien traité de l’ennemi est de lui en imposer par son courage.

Le général Monnier n’a point voulu capituler avec les turcs ni les russes qui avaient retenues prisonnier de guerre un de ses parlementaires.

J’étais à Ancone le jour où l’escadre turque et russe parut pour la 1ère fois à l’entrée du port. L’effroi régnait dans la ville. Aucune des batteries n ‘était prête. Les canonniers n’étaient point à leur poste pour répondre au feu de l’ennemi. Un des vaisseaux turcs par une manœuvre hardie osa s’avancer jusqu’à l’ouverture du port et y entra. Au bout de quelques minutes, toutes les batteries se trouvèrent servies. Toutes les troupes donnèrent des preuves d’une activité et d’un enthousiaste admirable. On faisait rougir les boulets sur les fourneaux à réverbère, et ce vaisseau eut été infailliblement pris ou coulé à fond au milieu de toutes les batteries de la ville, de la citadelle, du lazaret et du port, si le vent qui avait favorisé son entrée ne se fut arrêté ne lui permis de se retirer quoique très maltraité par les vaisseaux de guerre qui étaient en batterie dans le port ».

 

Jérôme Croyet

président-fondateur de la S.E.H.R.I.

 



[1] TRANIE (Jean) : Les guerres de la Révolution. Editions Quatuor, 2000.

[2] Le futur général Dulong de Rosnay décide de la prise du défilé de Fourlo par une charge de cavalerie le 25 juillet 1799.

[3] Dulong de Rosnay poursuit, lors de la prise de cette ville, des insurgés à la tête de trente hussards, il s’empare des équipages du général Vannini, de sa femme et de sa fille. Il parvient à les faire respecter et agit de même avec les religieuses d’un couvent.

[4] Le futur général Dulong de Rosnay est blessé d’un coup de baïonnette à la cuisse gauche et d’un coup de sabre sur la tête à Montegaleazzo, 27 août 1799. 

[5] Déjà, le 29 juin 1799, une sortie de la garnison a lieu où le futur général Dulong de Rosnay est blessé d’un coup de sabre au genou.

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