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l'uniforme en campagne

En campagne, les régiments reçoivent ponctuellement des vêtements neufs, ficelés ensemble et placés dans des tonneaux pour faciliter leur transport. La Garde Impériale, par exemple, reçoit de nouveaux uniformes là où elle se trouve. Il arrive également que des régiments changent d’uniformes en repassant à leur dépôt à la suite d’une campagne, tels les fusiliers-grenadiers, revenant de Prusse et en transit pour l’Espagne[1].

En cas de nécessité, des ateliers provisoires sont créés à l’échelon régimentaire : « Nous restons à Toro jusqu’au 25 de mai. Dans notre séjour à Toro, je m’occupe de réparations et de confections pour remettre mon régiment en état de faire campagne » note Morin, colonel du 5e régiment de dragons. Semblable situation vaut pour le 5e régiment de hussards – cantonné à Breslau en 1807 – ou pour le 31e régiment de chasseurs à cheval, en garnison à Vérone en 1813.

Lorsque l’unité est en garnison, le conseil d’administration prend donc en charge l’habillement et l’équipement des hommes de troupe. Mais en campagne, quoique les régiments disposent de maîtres tailleurs et de maîtres bottiers, il est fréquent que les soldats aient à remplacer eux mêmes des effets abîmés – ou ceux qui leur font défaut – à l’aide de fournitures soutirées aux populations locales ou à l’adversaire. Si le tailleur régimentaire se trouve dans les parages, le soldat peut lui faire repriser son uniforme. Il peut également s’adresser à un tailleur civil, moyennant rétribution. De même, les soldats les plus habiles se font couturiers pour leurs camarades de section, après achat – ou trouvaille – du tissu. Ainsi, après la bataille de Marengo, Gervais se procure-t-il du drap autrichien pris dans un magasin militaire de Crémone. Ne sachant pas coudre, il décide – malgré tout – de se confectionner un gilet, un pantalon et des guêtres : « Je mis tant d’action au travail que je réussis au-delà de toute espérance. D’autres militaires qui étaient, comme moi, pourvus de drap, me demandèrent de travailler pour eux. Je leur dis que je n’étais pas tailleur, que j’avais fait pour moi, à mes risques et périls, un travail que je ne voudrais pas entreprendre pour d’autres craignant de gâter leur étoffe. Ces hommes prirent cela pour de la mauvaise volonté. Ils allèrent trouver le sergent-major, qui vint d’autorité me dire que si je ne travaillais pas pour ces hommes, j’allais être mis à la garde du camp. Je me décidai à être tailleur »[2].

Le soldat doit également prendre soin de ses effets et habits : «j’avais toujours soin, quand j’étais arrivé à l’étape, de changer de pantalon, de guêtres, de nettoyer soigneusement mes boutons, l’aigle et les jugulaires de mon shako : en un mot, de donner la bonne tenue militaire »[3].

L’exécution de cette corvée est confiée aux officiers commandant les compagnies : «  Le régiment se tiendra prêt à marcher à 9 heures du soir. Les chefs de compagnie s’assureront si les objets d’habillement et d’équipement sont en bon état dans leur compagnie et si chaque soldat à ses cartouches, ses pierres à feu et son épinglette, ordonne ainsi Dulong, colonel du 12e régiment d’infanterie légère, le 18 juillet 1811.

 

Lorsque le soldat est confronté au manque d’effets, ou qu’il doit remplacer ceux qui sont manquants ou détériorés, la débrouille prévaut. Lors de la campagne de 1809 en Autriche, Chevillet, trompette au 8e régiment de chasseurs à cheval, s’habille ainsi de neuf aux frais de l’ennemi : gilet vert, ceinture écharpe verte à coulants jaunes, pelisse marron et bottes. De même, Gervais, sous-officier d’infanterie légère, récupère le shako d’un chasseur mort, le sien étant troué. Il prend néanmoins soin de conserver son galon argent. Enfin, durant la campagne de 1813 en Saxe, Scheltens, servant au 2e régiment de grenadiers de la Garde Impériale, récupère sur le cadavre d’un officier autrichien une paire de bottes avec lesquelles il fait l’intégralité de la campagne. A l’évidence, tous ces hommes offrent un aspect très éloigné des directives, des ordres et des règlements.

 

Jérôme Croyet

Conférence donnée à Corps lors des journées Napoléoniennes 2005

 



[1] Les effets des fusiliers de la Garde, où sert alors Scheltens, sont changés – ou remis à neuf – à la caserne de Courbevoie, sur le chemin pour l’Espagne.

[2] Gervais (Capitaine),  A la conquête de l’Europe. Souvenirs d’un soldat de l’Empire, Bernard Giovanangeli Editeur, 2003.

[3] Faucheur, Narcisse, Souvenirs de campagne du sergent Faucheur (annotés par Jacques Jourquin), Editions Taillandier, 2004.

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