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Sonthonnax : le français qui abolit le premier l'escalavage

Léger Félicité Sonthonnax nait le 17 mars 1763 à Oyonnax. Fils aîné de Jules Sonthonax, négociant, et d’Antoinette Simonet.

Marié en 1796 à Marie Blaigeat, veuve d'un riche mulâtre. Elève au collège de Nantua, puis pensionnaire au séminaire de Toul en 1780. Il étudie à Dijon et devient avocat à Paris de 1784 à 1789. Grand propriétaire terrien à Oyonnax et Arbent avec son père1, il commence à prêter de l'argent. Rédacteur du journal Les Révolutions de Paris. Il devient avocat au Tribunal de cassation en 1791.

Il rencontre Brissot au club des Jacobins, et lorsque la Société des Amis des noirs demande l’abolition de la traite et l’égalité des hommes de couleur, Sonthonax se prononce déjà, dans un article du 25 septembre 1790 des Révolutions de Paris, pour l’abolition immédiate de l’esclavage. C’est grâce à l’appui de Brissot et du duc d’Orléans qu’il est désigné comme l’un des trois commissaires civils pour Saint-Domingue le 4 avril 1792, « chargés d’appliquer le décret de mars 1792 qui accorde l’égalité aux hommes de couleur »2. Arrivés sur place, « ils doivent faire face à un pouvoir blanc en déliquescence, alors que des hommes de couleur ont pris les armes, ont négocié avec les esclaves révoltés, eux-mêmes liés aux Espagnols. L’entrée en guerre de l’Angleterre et de l’Espagne en février et mars 1793 ne fait qu’ajouter à la complexité de la situation, d’autant que le pouvoir blanc s’entend avec l’Espagne et surtout l’Angleterre pour maintenir l’esclavage. L’insurrection des esclaves est cependant devenue l’élément essentiel qui commande la politique de Sonthonax sur l’île »3. Sonhtonnax « choisit l’alliance avec le groupe des noirs libres et Toussaint Louverture, pariant sur l’amalgame de la couleur, l’alliance entre la Révolution française et les noirs de Saint-Domingue »4. Cependant, Sonthonax et Polverel n’ont pas la même vision de la société qui doit naître de la fin du système servile. Le 4 janvier 1793, Sonhtonnax fait part de ses inquiétudes et de sa situation à Brissot : il est seul et isolé face aux blancs de la colonie et à l’insurrection. Il se montre alors perplexe quant à un affranchissement subit qu’il juge alors dangereux. Dès lors, Sonthonnax met sa politique d’affranchissement en route, d’une manière progressive : le 11 juillet 1793, Sonthonnax permet le mariage entre une esclave et un colon, mais aussi entre une femme libre et un esclave, donnant la liberté et la citoyenneté à l’épouse, l’époux anciennement esclaves et aux enfants. Afin que cet arrêté soit compréhensible de tous, il est transcrit en créole. Se trouvant dans la partie Nord, il proclame, le 29 août 1793, l’abolition générale de l’esclavage avec maintien de la structure hiérarchique des plantations5. C’est la vision radicale de Sonthonax que reprend Toussaint Louverture dont il favorise l’armement pour lutter contre les colons qui font appel aux anglais.

Mis en accusation le 16 juillet 1793, il rentre le 12 thermidor an II. Il est arrêté le 8 juin et comparaît devant la Convention qui le disculpe. Le 16 pluviôse an II, la Convention décrète l'abolition de l'esclavage. Son nom est inscrit sur la liste des émigrés le 8 pluviôse an II par l’administration du district de Nantua. Il est vivement attaqué pour ses positions en faveur de noirs après le 9 thermidor, par Gouly et les colons, qui tentent de le faire condamné à mort comme terroriste et jacobin. Renvoyé en mai 1796 dans l’île par le ministre de la marine, Truguet, il est accueilli par les vivats de la foule. Il entreprend de redonner une vie économique à l’île et s’attarde sur l’éducation. Il place Toussaint Louverture à la tête de la colonie et est élu député de Saint-Domingue au Conseil des Cinq-Cents le 14 octobre 1795. Mais le général mulâtre Rigaud fait pratiquement sécession dans le Sud de l’île, et les relations se dégradent avec Toussaint Louverture.

Sous la pression de Toussaint-Louverture, il regagne la France en 1796 et siège au conseil des Cinq-Cents jusqu’en 1798. C’est là qu’il intervient sur le Tribunal de cassation, sur Saint-Domingue où il dénonce la conduite de Toussaint-Louverture et sur l’instruction primaire. Il achète une maison à l'angle de la place Vendôme le 19 ventôse an VI. Son nom est rayé de la liste des émigrés par la loi du 27 thermidor an VI. Il prend en location une maison 1053 rue Dominique à Paris le 13 messidor an VII. Il participe aux honneurs rendus à Joubert, au Muséum des Antiques, le 19 fructidor an VII, à Paris. Républicain et ami de Carnot, il est arrêté quelque temps après le coup d’Etat du 18 brumaire et est incarcéré à la Conciergerie. Il est arrêté à tort après l’attentat de la rue Saint-Nicaise en 1799 ainsi que pour avoir critiqué la politique de Rochambeau à Saint-Domingue. Le 21 juillet 1804, le bulletin de police note que « sa femme demande sa liberté. Appuyé par le Prince Impérial ». Il demeure 71 rue du St Père à Paris jusqu'en 1813 date de son retour à Oyonnax. Durant cette période parisienne, c'est son frère qui s'occupe de ses affaires financières. Toujours influent, il permet avec Clerc à la ville de Nantua, qui le remercie le 20 avril 1810, de conserver le tribunal. Il paye 1 300 francs et 20 centimes d'impositions en 1811. Il ouvre un registre des obligations et intérêts à son profit en juillet 1812. Il décède dans la misère le 28 juillet 1813.

1 Ce dernier, décédé en 1807, laisse 34 600 francs de biens en héritage.

2 HALPERN (Jean-Claude) : « Léger-Félicité Sonthonax. La première abolition de l’esclavage. La Révolution française et la Révolution de Saint-Domingue », Annales historiques de la Révolution française, 345, juillet-septembre 2006.

3 HALPERN (Jean-Claude) : « Léger-Félicité Sonthonax. La première abolition de l’esclavage. La Révolution française et la Révolution de Saint-Domingue », Annales historiques de la Révolution française, 345, juillet-septembre 2006.

4 HALPERN (Jean-Claude) : « Léger-Félicité Sonthonax. La première abolition de l’esclavage. La Révolution française et la Révolution de Saint-Domingue », Annales historiques de la Révolution française, 345, juillet-septembre 2006.

 

5 « Polverel, quant à lui, avait proclamé dès le 27 août une abolition – progressive. Mais il était partisan d’une répartition des terres entre les nouveaux libres, sur la base d’un système autogéré ».

 

Jérôme Croyet

président-fondateur de la SEHRI

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Commentaires: 2
  • #1

    Guillot (mardi, 26 mai 2020 18:47)

    il fallait le rappeler, Sonthonax a prononcé l'abolition de l'esclavage du nord de l'île de St-Domingue en août 1792 sans pour autant rallier Toussaint-Louverture, mais il est est peu connu du grand public qui a surtout retenu Victor Schoelcher (56 ans plus tard !!!)....Après la chute des girondins il fut mis en prison et ne fut libéré qu'après les travaux de la commission Garran-Coulon où s'est illustré un autre homme politique de l'Ain : Jean-François Merlino lui aussi partisan de l'abolition de l'esclavage.

  • #2

    Blanc-Desisles (mardi, 26 mai 2020 18:47)

    Le jour de commémoration de l'abolition de l’esclavage en Martinique, hier, deux statues de l'abolitionniste Victor Schoelcher ont été détruites. L'une à Fort-de-France et l'autre sur la commune de Schoelcher. Trop blanc !
    Il faut donc réécrire une histoire à l’aune de la race (et pas européenne de préférence – là c’est du racisme). Il faut donc tordre le cou à la réalité (comme le fait la grande sociologue Camélia Jordana), à l’Histoire, aux faits, pour, comme en Allemagne Nazie, faire « matcher » l’idéologie à travers une réalité alternative qui se plie au dogme, en inventant des faits, en créant des preuves. La dangerosité qui découle de cela est terrible, à tout point de vue.
    Même si il y a eu des soulèvements (mais il y en a eu aussi ailleurs où d’autres peuples et d’autres cultures ont été asservis dans le monde depuis 3 000 ans) la fin de l'esclavage « moderne », c’est un décret, en 1848 et c'est la France ! Mais avant cela, la France est le premier pays au Monde à l’avoir décreté la fin de l'esclavage dès 1792, avec Sonthonnax avec des blancs qui avaient pensés l’idée dans la Société des Amis des Noirs à Paris C'est ensuite encore des Européens, blancs, en 1830, qui mettent fin à la traite blanche et négrière en AFN que les barbaresque faisaient subir au bassin méditérannéen - et oui, car la conquête de l'Algérie ce n'est pas pour le plaisir d'aller se saisir de quatre bleds mais mettre fin au traitement raciste des non musulmans par le bey d'Alger à travers l'escalavage !! ces racistes noirs et autres jouent sur une corde tendue, faisant la carte du séparatisme et du communautarisme aux noms d'idées éculées et rances, opposant des faits complémentaires - (la révolte et le décret) ; faisant le jeu des esclavagistes qui vivent et prospèrent encore largement en Afrique et au Moyen Orient et pour qui la reconnaissance de la race est du pain béni.