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1796 : Lasalle et le 1er de cavalerie

Lasalle s’illustra lors d’une reconnaissance qu’il mena le 17 décembre 1796 à Vicence avec 50 hommes (alors adjoint aux adjudants-généraux) : « partit à la nuit avec 50 cavaliers, il entre à Vicence à neuf heures du matin. Il traverse la ville au trot, s’établit à la porte de Padoue, et envoie des détachements saisir les autres. Un piquet de hussards autrichiens qui se trouvait devant celle de Saint-Barthélemy ne laissa pas aux cavaliers français le temps de la fermer. Il se jeta sur eux et les chargea avec vigueur. Le lieutenant Nilot, occupé à secourir un des siens, fracassé par la chute de son cheval, les aperçoit qui passent dans la rue. Il accourt auprès du capitaine, et lui signale la nombreuse troupe autrichienne qui arrive à lui. Carlier était en bataille sur la Grande Place. En avant ! S’écrie cet homme intrépide, fussent-ils 10 000, il faut les joindre. La charge sonne, l’ennemi est étonné, confondu de la résolution qui montre cette poignée de braves, il s’arrête. Un des siens cherche à faire feu, Carlier abat le pistolet d’un coup de sabre, son détachement frappe à coup pressés, et pousse au loin la colonne ennemie. Un nouvel escadron accourt presque aussitôt, le capitaine rallie son détachement, et se met en retraite. Lasalle, occupé à d’autres soins pendant qu’on était aux prises, n’eut que le temps de sauter à cheval, les Autrichiens entouraient déjà la maison où il était descendu, il fut obligé de se faire jour à coups de sabre ».

Le général Thoumas raconte au sujet de cette engagement dans une biographie de Lasalle publié dans la Revue de cavalerie : « Lasalle obtint le grade de chef d’escadron, dans des circonstances qui sont relatées ainsi qu’il suit sur ses états de service : le 17 décembre 1796, à Vérone, armée d’Italie, le capitaine Lasalle à la tête de 18 cavaliers du 1er régiment chargea 100 hussards ennemis du régiment de Joseph, les défit, et entouré lui seul par quatre hussards, les blessa tous quatre, passa le Bacchiglione à la nage, et rejoignit sa troupe. A la suite de cette affaire le général Bonaparte, le nomme chef d’escadron[1].

Le général Thiébaut raconte lui aussi cet épisode de manière différente : « Pendant que la division Masséna occupait Vicence, le jeune capitaine avait fait dans cette ville la connaissance de la marquise de Sali renommée dans toute l’Italie pour sa beauté et son esprit ; il s’était vivement épris d’elle, et avait de son côté inspiré à la belle marquise une violente passion. Mais leur bonheur n’avait duré que peu de jours. Les Autrichiens étaient venus occuper Vicence, et une armée entière s’était interposée entre les deux amants. Lasalle voulut revoir la marquise[2]. Un soir, sans prévenir personne, il commande dans le 1er régiment de cavalerie 25 cavaliers de choix, les rassemble à la nuit, traverse avec eux la ligne des vedettes, franchit les avant-postes, et par des chemins bien connus de lui, il gagne les derrières de l’armée ennemie. Arrivé vers minuit à Vicence, il y cache sa troupe et se rend chez la marquise de Sali. Rappelé à la réalité vers minuit par des coups de pistolet, il saute à cheval et rejoint son escorte. L’alerte était donnée, les chemins qu’il avait suivis pour venir ne sont plus libres. Lasalle charge 36 hussards qui gardaient un pont, leur prend 9 chevaux, continue sa route par des chemins détournés, se donnant pour un allemand dans les cantonnements qu’il ne peut éviter, pénètre de vive force dans les avant-postes, les franchit heureusement, et regagne son point de départ sans avoir perdu un seul homme. Il arrive au moment où Bonaparte passait en avant de Verbenna la revue des divisions Augereau et Masséna et lui qui était renommé pour le luxe de ses chevaux et de ses uniformes, il se présente à cette revue dans sa tenue de nuit, monté sur un cheval autrichien encore muni de son harnachement et même de son licol de corde. On lui demande où il a trouvé ce cheval : « A Vicence » répondit-il, « d’où j’arrive ». Puis il raconte son escapade sans parler bien entendu du motif qui la lui a inspirée et comme s’il avait été à Vicence pour reconnaître l’armée ennemie. Même dans cette supposition, il était en faute, un officier n’ayant pas le droit de faire une reconnaissance de sa propre initiative, mais tout amoureux qu’il fût, il n’avait pas perdu de vue son métier d’officier d’avant-garde, et il rapportait sur la position des Autrichiens, des renseignements dont le général en chef se hâta de profiter. Bonaparte d’ailleurs aimait déjà par-dessus tout, les actions de folle de bravoure, au lieu de punir Lasalle, il le nomma chef d’escadron au 7ème bis régiment de hussards, cette nomination, faite à titre provisoire fut confirmée par le Directoire le 22 avril 1797, Lasalle avait 22 ans »[3].

 

Laurent Brayard
Secrétaire-adjoint de la S.E.H.R.I.


[1] Dezaunay, Histoire du 1er Régiment de Cuirassiers, p. 60.

[2] L’historique du 1er régiment de Cuirassiers dit au sujet de la marquise : « l’héroïne de cette aventure s’empoisonna après le traité de Campo-Formio, les Vénitiens attribuèrent ce suicide au désespoir que ressentit cette femme douée d’une âme virile, d’un caractère au-dessus de son sexe, en voyant son pays tomber sous la domination de l’Autriche. D’après des témoins dignes de foi, cette fin tragique fut due à l’exaltation d’un cœur ardent et passionné, lorsque le commandant Lasalle reçut l’ordre de rentrer en France, où se préparait l’expédition d’Egypte, la marquise de Sali, ne voulut pas survivre à son amour. Quant au brillant officier qui avait été son amant, si affecté qu’il fut de cette séparation, il ne devait pas tarder à trouver dans l’enivrement de la gloire l’oubli de ses chagrins », pages 61 et 62.

[3] Dezaunay, Histoire du 1er régiment de Cuirassiers, p. 61.

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