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1790 : les troubles frumentaires en plaine de Crau

Les élections de 1790 portent à la mairie de Salon, en grande majorité, des artisans et des ménagers, soutenus par quelques petits bourgeois ce qui n'est pas du goût de la trentaine de bourgeois de la ville qui détiennent une grande partie de la richesses. Si ils s'imaginaient prendre le pouvoir sur la noblesse comme partout ailleurs, à Salon ils se trouvent subordonnés, par la voie des urnes, à ceux qu'ils emploient ou considèrent comme d'une classe sociale inférieure alors qu'en 1789 ils s'étaient distribués les places dans la Garde nationale naissante.

La calme reste relatif, le 19 mars des officiers municipaux sont obligés de quitter l'hôtel de ville par la force de la Garde nationale qui, le lendemain, refuse d'obéir à son commandant, Ducros d'Aubert. Soutenu par des hommes de l'Ancien Régime, notamment des consuls, elle refuse de reconnaître la municipalité élu démocratiquement. Après un sévère rappel à l'ordre et leur mise au pas municipale, la garde nationale devenant soldée, la situation se calme ; provisoirement.

En effet, pour bon nombre de français en 1790, la Révolution qui rime avec Liberté rime aussi avec fin de l'imposition. Le rêve d'une société sans taxes, naïvement chemine et s'écrase face à la réalité de la nécessité de faire vivre l'Etat. Ainsi, la dîme n'est pas supprimée, et les communaux pas partagés. Ainsi, des paysans, peu instruits et facilement manipulables, de Salon se rendent en ville le 6 juin pour réclamer de ne plus payer la dîme ni autres impositions. Mais c'est les 7, 8, 9 et 10 août, que des domestiques placardent des affiches pour faire croire que 1 000 marseillais viendraient délivrer les prisonniers et saccager la ville. Les émeutiers investissent Salon, empêchent la circulation des grains, « se proposant de détruite la ville en immolant les principaux habitants dont les fortunes formaient pour eux un objet de cupidité ». Si les menaces de mort ont été jetées cinq citoyens actifs de la ville sont morts et des maisons pillées. Arrivé au pouvoir et désireux de sécuriser la ville, le 12 août 1790, 200 fantassins du régiment du Lyonnais et deux brigades de gendarmes sont mis à disposition du maire de Salon pour rétablir le bon ordre, ce qui se passe puisque le payement de la dîme est rétabli, la libre circulation des grains à Salon et dans les communes de la Crau possible

L'arrivée de la troupe sécurise la ville mais ne règle pas les problèmes, elle les dissimule. Le 17 à 1 heures 50, le maire de Salon décide d'informer le département des événements, qualifiés d'attentats, commis par des « ennemis du repos public » que l'on sait être des paysans séduits et égarés par des ennemis de la Révolution. Le 19, le district de Marseille rassure celui de Salon « que les Marseillais après avoir jurés d'être fidèles aux lois...ne soutiendront jamais ceux qui ont osé les enfreindre ». Le 20 août, le département, qui siège à Aix, demande au district de Salon, de veiller au maintien de l'ordre lors de la fête de Saint-Symphorien car de nombreux étrangers s'y rendent. La présence de la troupe est salutaire et pour ne pas la perdre, une pétition au directoire du district de Salon propose d'augmenter la solde des chaque soldat de 3 sous.

La pétition des citoyens actifs de la ville du 2 septembre obtient la faveur de la municipalité puisque le détachement du régiment du Lyonnais est maintenu en ville. Toutefois, sur ordre du colonel du 27 septembre 1790, le détachement doit partir pour Aix ne laissant que 50 hommes. Ce départ jette l'alarme, aussi bien au district qu'en mairie qui note : « la ville reste exposées aux événements sinistres dont elle est menacée depuis l'insurrection des 7, 8, 9 et 10 août dernier ». Le conseil municipal continue de craindre de la part d'individus dépersonnalisés mais réunis sous la vocable « des ennemis du repos publics » une vengeance contre les personnes qui ont ouvert une procédure. La psychose est a ce point telle, que les officiers municipaux se réunissent le 28 pour dresser un procès verbal constatant que le colonel, connaissant la nécessité de laisser les 150 hommes de son régiment en ville, en fait bouger 100, se rendant implicitement complice des troubles à venir.

Cette psychose qui saisit la ville ne cesse pas et le 30 septembre, afin de se rendre à la fête de St Symphorien du Vernegues, la municipalité de Salon fait délivrer des bons de nourriture1 afin que la troupe accompagne les citoyens qui veulent si rendre : l'incompréhension et la méfiance du Bourg et de sa campagne est à son comble.

La période des fêtes de fin d'année sont, pour les officiers municipaux, propices à des troubles de la part des « malveillants ». Pour les officiers municipaux de Salon, très alarmés, les causes de ces troubles viennent de l'inactivité d'une partie de la population. Pour essayer de juguler les possibles débordements, la municipalité crée des ateliers de charité mais compte aussi sur la présence de 100 soldats du régiment du Lyonnais, ce que refuse le département le 30 décembre de par la trop grande dispersion du régiment. L'alarme est d'autant plus grande que les patriotes se sentent isolés et démunis face à des aristocrates ayant fait cause commune avec les bourgeois, allant jusqu'à favoriser le recrutement pour l'armée de Condé.

Alors que l'année 1790 s'achève, malgré un calme relatif, la tension étant tellement vive et les rancoeurs profondes, que le moindre propos peut remettre la ville en état d'ébulition avec des jacobins et une faction plus ou moins monarchienne, où des bourgeois et des tenants de l’économie y trouvent leur compte. Cette faction dévouée à la couronne n’est pas un fantasme des patriotes. En effet, à partir de novembre 1791, les Princes, émigrés, approuvent la formation d’une compagnie composée de nobles dauphinois et provençaux qui entre dans la composition de l’armée de Bourbon. A cela s'ajoute la rétractation de certains prêtes lors de la prestation de serment du Clergé, devenu Constitutionnel.

Suite à lélection contestée du maire, en novembre 1791, les Jacobins salonais font appel au directoire du département pour prendre le contrôle de la municipalité. Le scrutin est annulé deux fois et voit la victoire des jacobins en mars 1792.

 

Jérôme Croyet, docteur en histoire,

conférence aux Amis du Musée de Salon le 7 octobre 2015

 

 

1130 livres de pain, 50 livres de brebis, 54 livres de mouton et du vin.

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