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1792 : des troubles contre-révolutionnaires en plaine de Crau

Les troubles contre-révolutionnaires en Crau

La nouvelle des événements du 10 août 1792 irrite les esprits dévoués à la Cour. Dans les Etats du pape, si le calme règne en surface, il est, au fond, plus apparent que réel. On voit bientôt des émissaires quitter le Comtat et se répandre aux environs pour provoquer des troubles ; les prêtres excitent ouvertement à la désobéissance aux lois.

Le 21 septembre 1792, avec l'abolition de la royauté, les villes de Marseille et de Salon, toutes deux jacobines, sont à l'unisson. Dès le mois d'octobre, la situation, à Salon, est telle que la municipalité, pour rétablir l'ordre, fait appel, par deux fois aux commissaires départementaux, la seconde fois la présence d'une troupe est même requise pour intervenir contre la société populaire tenue par les modérés.

L'assemblée électorale, convoquée pour la nomination des députés à la Convention, se réunit au même moment à Avignon qui fait alors partie du département des Bouches-du-Rhône. Elle s'occupe des mesures propres à pacifier les esprits et nomme à cet effet une Commission qui reçoit la mission de se transporter successivement dans tous les endroits sa présence serait reconnue nécessaire. Les troubles ne tardent pas à éclater. Ils prennent naissance à Arles le 4e bataillon des Bouches-du-Rhône est en garnison. Le nommé Lieutard, officier de volontaires, est gagné aux Chiffonnistes ; il essaye de corrompre, à prix d'argent, la sixième compagnie dite d'Orange. Le capitaine des grenadiers Arnoux dévoile ses manœuvres. Lieutard lui tire  dessus un coup de fusil. Cet assassinat, froidement prémédité, remplit d'horreur le cœur des patriotes qui jurent de venger l'officier victime de la cabale cléricale. Deux cents volontaires arlésiens viennent se mettre spontanément à la disposition de Ferrand, commissaire d'Aix, chargé de réprimer les contre-révolutionnaires dans le nord du département. Ferrand donne l'ordre à cette troupe de se rendre à Grans les esprits sont divisés et s'y rend lui-même. A son passage à Eyguières, il est arrêté et mis au secret. Les habitants de cette commune ainsi que ceux de Salon et de Mouriès prennent les armes et se portent au devant des Arlésiens, dans les gorges d'Eyguières. L'avant-garde de la petite troupe est faite prisonnière. Le détachement survient peu après. Un combat s'engage, les Arlésiens, surpris, ne peuvent se défendre. Huit patriotes succombent, dix autres sont blessés ; le reste se débande ou est fait prisonnier. Le curé de Salon est à la tête des insurgés contre-révolutionnaires. Après avoir prêché le meurtre, il remercie les assassins et loue leur conduite en rendant au Seigneur des actions de grâces.

Cependant, le 11 octobre 1792, la municipalité de Salon fait part de son erreur de s'être prêté à la rumeur d'une fausse alarme. Pour se justifier, les Salonais invoquent l'arrivée subite d'un bataillon « à Orgon [qui] avait produit la fausse alarme dans nos quartiers »[1]. Les habitants de Salon avouent, quelque temps après, « qu'ils ont été trompés » et que les véritables coupables ont maintenant « pris la fuite».

Dès le 21 décembre, les jacobins salonais prennent position contre « les messieurs extérieurs » qui répandent des propos calomnieux contre Salon, dans une pétition à la municipalité et l'invite à faire savoir à Marseille, que « la tranquillité, l'union, le principe et les sentiments du républicanisme règnent parmi les habitants ». Cette pétition de la société populaire de Salon recueil les faveurs de la municipalité qui en accepte le principe et la fait passer au district dès le lendemain. Toutefois lorsque les sociétaires salonais, se rendent à la société populaire de Marseille pour obtenir laffiliation, ils se voient imposer des conditions qui impriment déjà une ligne de conduite : outre de « se défaire de leur curé », ils doivent « chasser du club tous les bourgeois ».

Avec l'arrivée d'un nouveau commissaire en décembre, le 14, la société populaire des républicains de Salon, exerçant son influence sur « l'esprit du cultivateur simple et crédule », est dissoute et des cautionnements pécuniers pris sur les fauteurs de troubles et leurs complices levés pour payer le déplacement de la force armée.

 

Jérôme Croyet, docteur en histoire,

conférence aux Amis du Musée de Salon le 7 octobre 2015

 



[1]              Lettre du maire et des officiers municipaux de Salon au district, Salon, 11 octobre 1792. A.D. 13 série L.

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