l'idéologie des révolutionnaires de l'Ain

3. IDEOLOGIE ET OUTILS MILITANTS DES REVOLUTIONNAIRES DANS L'AIN

 

"Les mois de la grande révolution ne se mesurent pas comme ceux des périodes calmes"1.

 

L’étude scrupuleuse des registres de délibérations des sociétés populaires et des comités de surveillance de l'Ain, jusque-là presque ignorée, ainsi que celle des différents libelles, mémoires et discours permet de mettre à jour des idées et des mécanismes révolutionnaires éloignés de la simple pensée de faire la Révolution d’une manière ou d’une autre et quelqu’en soit le moyen qui régnait jusque là dans l’historiographie locale. En effet, afin de mieux comprendre le mode de politisation des militants révolutionnaires, il convient de s’intéresser à leur motivation, aux causes idéologiques de leurs choix politiques.

Dès l'annonce de la prise de la Bastille, des forces patriotiques se mettent en place dans l'Ain, avec un mode de pensée individuel puis avec la mise en place des sociétés populaires, collectif. Cet activisme patriotique est aidé par le retrait définitif de la scène publique de la noblesse et du clergé comme force politique. Durant l'été 1791, "le schisme au sein de la bourgeoisie révolutionnaire et les efforts acharnés de la part des démocrates et des républicains pour se créer une base solide parmi le peuple donnèrent aux sans-culottes un rôle plus indépendant : non seulement ils exprimèrent le programme propre à l'aile radicale de la bourgeoisie mais ils commencèrent à exprimer sous une forme politique… leurs propres griefs sociaux"2. Cette expression se traduit dans l'Ain, dès 1793, par une idéologie puissante et conquérante plus proche de celle des faubourgs parisiens que des "Chaliers" lyonnais.

L'idéologie révolutionnaire et les moyens d'actions des militants de l'Ain est à l'image du département, multiples mais unie. En effet, département marche entre un sud influent sur sa culture et un nord représenté par deux siècles d'administration bourguignonne, l'idéologie révolutionnaire départementale s'en fait ressentir dans une sorte de déboussolement idéologique qui se rattache à partir de 1793 à un axe parisien. Les idées que les sans-culottes professent à Bourg ou à Belley en l’an II mélangent l'idéologie sociale et économique, que l'on trouve dans le père Duchesne dans la sans-culotterie parisienne mais aussi dans le fédéralisme jacobin méridional, et les conséquences des événements survenus dans le département depuis septembre 1793 car pour les militants sans-culottes de Bourg, Paris est le point d’impulsion de l’esprit révolutionnaire. Le fait que “ Paris bien loin d’atténuer le patriotisme, ne fait que le fortifier ”3 est une idée largement répandue dans l'Ain de l'an II. A Belley, si l'idéologie est similaire, elle est le fruit d’une réflexion plus personnelle des leaders du mouvement sans-culotte et est moins influencée par le mouvement sectionnaire parisien. Cette idéologie de l'an II est caractéristique du militantisme ultrarévolutionnaire que l'Ain connaît entre 1793 et l'an III. Elle se confronte à celle d'autres patriotes, plus modérés, comme les fédéralistes et les thermidoriens, moins développées. L'idéologie des sans-culottes tourne autour de plusieurs thèmes, puisés dans plusieurs origines et adaptés au département ; politique, social et économique. Ces thèmes sont largement abordés lors des séances des sociétés populaires, des délibérations des comités de surveillance et des différentes réunions publiques. Ils s’axent autour de la définition de leurs adversaires politiques, sociaux et culturels, de l’idée qu’ils se font de leur place sur l’échiquier politique départemental et national, des soutiens et des appuis sur lesquels ils peuvent compter et enfin sur les moyens qu’ils emploient pour parvenir à leurs fins.

 

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

mis en ligne par l’association SEHRI

 

1 COBB (R.C.) : Les armées révolutionnaires, page 3.

2 RUDE (Georges) : La foule dans la Révolution, page 232.

 

3 Lettre de Merle à Juvanon, 2 prairial an II. A.D. Ain 13L 60.

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