juillet 1944 : l'opération Frühling

LA CAMPAGNE DE KASPAR MENHART

France – 10 juillet 1943 au 23 mai 1944

 

 

L’auteur de ces mémoires est un militaire allemand de la Werhmarcht de la 157e division alpine, matricule 409 959.

Il livre ce témoignage le 17 octobre 1945 alors qu’il est prisonnier de guerre détenu au camp de Thol dans l’Ain. Il est alors interrogé dans le cadre des recherches des crimes de guerre commis à Ruffieu dans l’Ain en février 1944.

 

« Le 21 juin 1943, j’ai été incorporé au 98e bataillon de chasseurs de montagne à Garmisch.

Le 10 juillet 1943, j’ai été muté à la 157e division d’instruction à Pontarlier. Ma première unité resta à Garmisch. Notre bataillon avait le secteur postal n° 14 593. Mon commandant de compagnie était le capitaine Stockl, adjoint lieutenant Niggl.

Le 25 août 1943, nous partions pour Annecy. Nous y continuions l’instruction.

Le 11 novembre 1943, je suis parti pour Bardonèche (Italie) où je suis resté jusqu’au 15 janvier, affecté au poste de garde du tunnel Modane – Bardonèche. A Bardonèche stationnait la 7e compagnie du 2e bataillon du 98e chasseurs de montagne, dont le commandant était le capitaine Geier.

Le 15 janvier 1944, je retournais à Annecy au 1er bataillon du 98e chasseurs de montagne. A ce moment là, nos recrues qui avaient entraînement ont, soi-disant, été blessés. On fit une fouille dans la région au nord d’Annecy et on amena en voiture 8 prisonnier qui furent mis en cellule. Pendant la nuit, nous percevions les cris qui provenaient de cette cellule. Le matin nous apprenions alors que l’on avait violemment battu les prisonniers et que le sous-officier Milchmeier y avait spécialement participé ; les huit hommes furent abattus par lui, dans les jours qui suivirent sur l’ordre du capitaine Stockl.

Le 3 février, combats à Artemare et à Hotonnes. Transport en camion à proximité d’Artemare. La localité fut fouillée afin de déceler la présence des ennemis ; pendant ce temps, elle fut encerclée par plusieurs gardes. Après l’information « Feindfred » on occupa le pays. Tous les hommes d’Artemare furent rassemblés et leurs papiers vérifiés.

Personne ne put être appréhendé, tous avaient des pièces d’identité en règle. J’étais à la section d’artillerie que commandait l’adjudant-chef Feichtner. Nous cantonnions dans un hôtel. Les compagnies de chasseurs continuaient de progresser sur Hotonnes.

Le lendemain, nous embarquions de nouveau notre pièce sur une automobile et partions en direction d’Hotonnes. Nous avons fait halte à une courte distance de la localité. Nous entendions tirer les mitrailleuses, mais nous ne pouvions rien voir car nous étions éloignés de 2 kilomètres. Nous avons mis la pièce en position sur l’ordre du capitaine Stockl. Peu de temps après, vint l’ordre d’occuper la localité. De nombreuses maisons étaient vides, les civils ayant fui par peur des Allemands. La localité fut également fouillée, quelques heures plus tard, les balles sifflaient ; tout à coup au dessus de nous on vit une fumée s’élever. Nous accourûmes jusqu’à cette fumée et nous vîmes une maison en flammes. On entendait des munitions exploser une demi-heure plus tard, nous retournions à Artemare. Deux compagnies restèrent à Hotonnes. Les jours qui suivirent, il fit très froid et la neige tomba sur la hauteur. On rétablit les communications sur Hotonnes avec le chasse-neige. Nous stationnâmes 7 jours à Artemare. Au cours des combats, 50 personnes furent arrêtées et transportées à Lyon.

Le 10 février 1944, nous retournions à Annecy. Je continuais l’instruction jusqu’à ma permission annuelle du 3 au 20 mars 1944. Après ma permission, nous fûmes employés sur le « Hochplatton » au nord d’Annecy.

Dans la nuit du 23 mars, trois compagnies se tenaient prêtes. Dans la matinée, nous prenions la direction de Chamonix ; sur le parcours, nous tournions à gauche et faisions halte dans une localité au nord de « Hochplatton ». Là, on nous fit savoir que 900 maquisards devaient se trouver au « Hochplatton ». Des troupes furent envoyées dans 3 directions. Elles devaient se rencontrer sur la montagne dans le cas où il n’y aurait aucun déplacement de l’ennemi. La section d’artillerie à laquelle j’appartenais, alla se mettre en position en dessous sur la pente ; nous avions pour mission d’observer la progression des troupes ; 6 heures plus tard, nous revenions et faisions savoir que nous avions seulement aperçu quelques personnes.

Les compagnies de chasseurs se rendaient alors sur la montagne pendant que nous recevions du capitaine Stockl l’ordre pour les cinq groupes (10 pièces) de faire feu. Ma pièce fut dans l’impossibilité de tirer après le deuxième coup. Nous avons continué de nous déplacer avec la pièce et nous avons fait halte après le premier versant, alors que l’obscurité tombait. Le matin, nous continuons. Après quatre heures de marche, nous entendons le tir qui durait depuis une demi-heure environ lorsque nous arrivâmes en haut, nous vîmes trois maisons en flammes, autrement tout était calme. Nous séjournons trois jours dans une maison vide. Pendant que les forêts étaient nettoyées, nous trouvions dans la neige des vivres et des munitions, qui furent immédiatement descendus. Dans la matinée du quatrième jour, nous prenions le chemin du retour. Je devais conduire ma vache et trois chèvres de la montagne à l’abattoir, nous étions environs à 1 kilomètre de la maison. A notre arrivée en bas, il nous a été dit que six personnes qui voulaient s’enfuir avaient été arrêtées ; les six hommes ont été transportés en automobile deux heures plus tard. Le soir même nous retournions sur Annecy.

Le 3 avril 1944, je fus muté au bataillon de marche de combat à Chambéry (commandant de bataillon : capitaine Meiwer). Mon chef de compagnie était le sous-lieutenant Blaue. Vers la fin d’avril, nous étions engagés de nouveau en combat en direction de Challes-les-Eaux. Notre compagnie avait mission de se rendre sur les contreforts de la montagne et de barrer les rues derrière la localité. De Challes-les-Eaux, nous retournions à notre gauche et arrivions dans une localité déjà fouillée dans laquelle 20 personnes avaient été arrêtées. Dans la localité même, nous n’avons pas pu pénétrer et avons repris le chemin de Chambéry vers midi. On ne nous fit pas savoir ce que l’on avait fait des 20 prisonniers.

Huit jours plus tard environ, nous prenions en automobile la direction d’Aix-les-Bains et faisions encore 80 kilomètres environ, mais le nom de la localité dans laquelle nous nous rendîmes m’est encore inconnue. Nous avons fait halte dans les montagnes. Nous nous sommes dirigés vers le sommet de la montagne, où nous avons trouvé quelques maisons vides. Nous sommes restés dans la petite église, près de la première maison, et avons dû construire une tranchée circulaire de tir, pendant que l’on fouillait les maisons.

On trouva seulement des munitions, de l’habillement et des vivres qui furent emmenés en automobile. La maison vide fut incendiée avec des grenades à main. Par la suite nous nous sommes retirés jusqu’à la première localité située à une dizaine de kilomètres. Un kilomètre plus loin, nous nous sommes arrêtés de nouveau et avons vu quelques maisons brûlées. Des miliciens et des agents de la Gestapo rassemblaient des civils et nous apprenions alors que des personnes suspectes devaient être cachées dans ces maisons. On incendia simplement les maisons. Les maisons une fois brûlées, on trouva huit cadavres carbonisés, que les civils durent enterrer.

Nous sommes partis peu après et avons vu que la Gestapo incendiait la localité située derrière nous. Nous avons repris alors la direction de Chambéry.

Le 20 mai craignant un bombardement, le bataillon fut rejoint dans les localités environnantes. Notre compagnie se retira sur Challes-les-Eaux où nous sommes restés jusqu’à notre départ pour la Russie le 28 mai 1944.

A l’époque de ma blessure, le 18 juin 1944, je me trouvais en Russie. Après ma guérison, je suis revenu à Garmisch dans une unité de réserve, et j’y suis resté jusqu’à ma capture par les Américains ».

 

Par Jérôme Croyet

docteur en histoire

 

membre du GmT 713

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