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l'improbable biographie du patriote Caffe

 

Cette étude de cas n'entre pas dans une démarche classique de travail historique. Le point de départ est le suivant : peut-on, grâce aux données en ligne sur le web, s'exonérer de fréquenter les dépôts d'archives ?

 

Les sources et les doutes

Qui cherche trouve dit le sens commun. A cet effet, tout historien connaît l'importance des sources, auxquelles il faut associer les critères de fiabilité et de croisement. L'outil Internet, avec ses puissants moteurs de recherches, offre de beaux atouts dans l'accès aux documents : de nombreux auteurs puisent dans cette jungle d'informations, sans toujours saisir les limites d'une telle pratique.

Le sujet proposé est la biographie d'un personnage qui a laissé quelques traces de son existence : elles sont de deux niveaux, directement produites par lui ou reconstituées. Dans ce cas, le milieu familial peut jouer un rôle non négligeable.

Enfin, la perte d'archives ayant servie à ce récit autobiographique est toujours un obstacle à la connaissance du vrai. Pour autant, il ne s'agit pas d'opposer binairement la vérité au mensonge, car une mention non vérifiable du fait des nombreuses destructions de dossiers n'est pas systématiquement un faux, donc prudence.

Contrainte supplémentaire, pour notre sujet il faut ajouter l'information suivante : le dossier militaire du personnage, qui existe au SHD du fort de Vincennes, tout comme le livre qui retrace son existence (voir les sources) n'ont pas été consultées.

Pour compenser cette lacune, j'ai eu recours à un travail universitaire sur la presse dont l'auteur a, lui, bien étudié le volume précité.

L'article qui suit est en quelque sorte un cas concret d'enquête sur le net.

 

Essai de reconstitution de carrière

C'est la consultation d'un tout petit fonds de correspondances aux Archives départementales de l'Ain1 qui m'a lancé sur cette recherche. La page du dossier mentionne :

CAFFE (Charles Joseph)

Capitaine en retraite, juge au tribunal d'assises au département de l'Ain, etc

Charles Caffe, auteur du Premier cri de la Savoie2, avait été condamné à mort par sentence du Sénat de Savoie, du 30 9bre 1791, et pendu en effigie à Chambéry.

Né à Chambéry le …... 1751 – mort le 10 décembre 1835 à l'hôtel des Invalides à Paris.

Ce patronyme, Caffe, ne m'était pas inconnu pour l'avoir repéré il y a une bonne douzaine d'années dans un mémoire de maitrise3. L'auteur signalait ce personnage comme étant un rédacteur du Journal de Lyon paru en 1791-1793.

Les renseignements biographiques font référence à un ouvrage4, Un Patriote savoisien pendant la révolution française publié en 1892 par A.-V. Cornil qui fut marié à la petite fille de Caffe. Il a peut-être eu accès à des archives privées.

 

Voyons ce que nous réserve la toile : au bout de quelques clics, on trouve trace du quidam qui nous a laissé de savoureux témoignages. Tout d'abord, nous découvrons une courte notice post-mortem parue en 18365 :

6. CAFFE (Charles-Joseph), né à Chambéry, en 1751, destiné d'abord au barreau, céda bientôt à la vocation qui l'appelait à choisir le métier des armes. Il servit d'abord la France sous Louis XV, puis la Turquie dans une guerre contre la Russie. En 1791, il prit part à la Révolution de son pays, et publia un ouvrage intitulé : Le premier cri de la Savoie à la liberté. Condamné à mort pour ce fait, en même temps que Desaix, depuis général, il ne s'échappa que pour languir dans les prisons de la Convention. On lui attribua une tentative infructueuse pour arracher Marie-Antoinette de la Conciergerie. Malgré sa position de fortune, il ambitionna de terminer ses jours à l'hôtel des Invalides, où il est mort le 10 déc. À 85 ans. Deux de ses fils ont péri sur les champs de bataille, le troisième est le Dr Caffe, chef de clinique à l'Hôtel-Dieu de Paris.

C'est un condensé de vie qui laisse entrevoir une existence riche d'expériences : les détails, triés sur le volet, sont énoncés par Caffe lui-même dans cette lettre écrite en 1833 et publiée après son décès6 :

[Extrait] Déclaration de M.Caffe, officier supérieur.

« Je soussigné, Charles-Joseph Caffe, garde suisse en février 1771, grenadier en 1773, compagnie de Vigier, même corps, sorti de ce corps en qualité de sergent en 1782 ; capitaine de volontaires nationaux le 4 décembre 1791 ; capitaine des gardes de l'armée du Midi le 14 mai 1792 ; capitaine de la première compagnie franche en juillet 1792 ; capitaine au premier bataillon du 33e régiment d'infanterie, 27 pluviôse an III ; vaguemestre général de l'armée des Alpes et d'Italie, avec le grade de chef de bataillon, le 19 floréal an III ; commandant temporaire de la place de Faverge, le 3 ventôse an IV ; commandant temporaire de la place du Mont-Cenis, le 20 messidor an VII ; capitaine de deuxième classe de la deuxième compagnie du premier bataillon de la cinquième demi-brigade, le 17 prairial an XI ; juge au tribunal spécial établi pour le département de l'Ain, le 8 mai 1811 ; juge au tribunal criminel spécial de Valence, le 5 septembre 1806, admis à la retraite depuis 1815, et demeurant à Paris, rue du Foin-St-Jacques, 8 :

« Déclare devant Dieu et devant les hommes que, par l'effet de la divine providence, et après une très longue absence, je viens de me trouver, pendant plus de trois heures, en présence du fils de l'infortuné Louis XVI ; que je l'ai parfaitement reconnu quoiqu'il se soit écoulé plus de quarante ans depuis que je l'avais vu au château de Versailles en la compagnie de son auguste mère ; […]

« Fait à Paris le 21 janvier 1833.

« Signé : CAFFE,

«  Chevalier de Saint-Louis. »

Là, on est impressionné ! Est-il possible de trouver sur le net la confirmation de tout ou partie de cette déclaration ?

  • Le 14 mai 1792, le patriote savoisien Caffe est nommé capitaine des Guides de l'Armée du Midi par le ministre Lajard. Source : Les guides (associationsuchet.over-blog.com)

  • Un article de la feuille de Route n°387 signale le capitaine Caffe à l'organisation d'une compagnie franche devant s'assembler à Trévoux en septembre 1792. Le recrutement est relayé par une affiche publiée dans le Journal de Lyon. Mais l'intendance de l'Armée du Midi ne suit pas. Des dénonciation s'ensuivent contre les responsables. Mal habillée, elle est dirigée sur Romans fin janvier 1793.

  • En l'an III, le capitaine Caffe est affecté au 53e RI et non pas au 33e RI comme il est écrit (suite à une possible erreur d'impression ?).

  • Ordre de Saint-Louis, créé en 1693. Croix de chevalier d'époque Restauration. Or et émail. Anneau cannelé. Ruban ancien à rosette molle. Poinçon. Ht : 35 mm

  • Présenté sous verre avec un diplôme au nom du sieur CAFFE, Capitaine en retraite. Fait à Paris le 11 février 1829. Sur vélin. Cachet sec et cachet de cire aux Armes de France. Signature du Comte Portalis. B.E. 600/800 €8

 

Voilà quelques points qui donnent de la crédibilité à cette biographie... Mais, afin de mieux cerner ce parcours quelque peu étonnant, examinons ses origines.

 

Le contexte familial

Son acte de baptême a été rédigé à Chambéry, paroisse St Léger « Le 28e (avril 1751) est né et le 29e a été baptisé Charles Joseph Caffe fils de spectable Pierre Caffe avocat au Sénat et substitu juge Mage de Savoye et demoiselle Loüise Sain mariés.

Le parrain a été le sieur Charles Fortis, la marraine demoiselle Marie Anne Josette Françoise de Chabot de Villeneuve. » A.D. Savoie : cote 4E 178 (vue 189/399)9.

La famille compte de nombreux enfants ; certains entreront dans les ordres religieux.

Un frère de Charles-Joseph, L-E Caffe, négociant en Égypte, a croisé la route de Bonaparte en 1799 et celle de Chateaubriand en 1805.

Un autre membre de la fratrie, Claude-Louis, d'abord officier au service du roi de Prusse, subira de manière arbitraire les foudres de son monarque sarde : d'abord arrêté à Paris, détenu à la Bastille, il est ensuite enfermé au fort de Miolans.

D'après le journal de l'intendant Béné, (archives privées, Saint-Jeoire-en-Faucigny), la période de détention de Claude-Louis Caffe s'étend de février 1780 au 18 mars 178110.

« Cet ancien prisonnier d'état, au moment où la révolution française éclata en Savoie, fut nommé par ses compatriotes premier grenadier du Mont-Blanc ; il fut chargé du commandement des bataillons de volontaires patriotes, et après une carrière dignement remplie, il mourut à Chambéry en 1824, à l'âge de près de cent ans. »11

Charles-Joseph et son ainé sont très proches : nous verrons plus loin qu'ils s'entendent pour régler les affaires familiales importantes.

Le jeune savoyard « se livra d'abord à l'étude du droit et fut reçu docteur ; un duel dans lequel il blessa grièvement son adversaire, officier de la garnison, le força de quitter Chambéry et de se réfugier en France, où il prit du service et entra dans les Gardes françaises (février 1771).

Peut après, ne trouvant pas dans le service de France un avancement assez rapide et un aliment suffisant à son activité, il partit pour Constantinople avec son compatriote Benoit LEBORGNE DE BOIGNE […]. »12

Cette expérience décevante n'ayant pas répondu à ses attentes il revint en Savoie peu après le déclenchement de la révolution en France.

Dès son retour, il se signale en faveur de la liberté et lutte contre les nombreux abus qui oppriment son peuple.

 

À ce stade, le croisement des informations s'impose...

  • Benoit Leborgne de Boigne (1751-1830) semble avoir fortement inspiré le jeune Caffe. Son parcours d'aventurier débute en 1768 par un duel qui l'oblige à s'expatrier et à s'enrôler dans un régiment d'émigrés Irlandais au service de Louis XV. Après plusieurs campagnes, il quitte le service du roi en 1773. Il envisage de combattre au service de la Russie contre les Ottomans. Les circonstances ne le conduisent pas au-delà de la mer Egée où il apprend la cessation des hostilités (1774). Capturé, il devient l'esclave d'un Turc à Constantinople !

    Enfin libéré, il effectuera une brillante carrière aux Indes (1778-1796) avant de devenir le mécène de sa ville natale, Chambéry. (Voir sa notice biographique sur Wikipédia).

Ici le doute s'installe...

Ces dates qui jalonnent la carrière du futur comte de Boigne sont en contradiction avec le récit du sieur Caffe qui déclare avoir été dans la garde suisse de 1771 à 1782, tout en ayant accompagné son compatriote à Constantinople (vers 1774 ?).

Il entre alors dans le commerce, fait des voyages pour des négociants de Nîmes, Mâcon, Lyon ; il prend domicile à Lyon et aurait « un intérêt direct dans la maison de commerce de MM. Rollet et Compagnie ». Ces opérations suivies dix ans [1782-1792] par le sieur Caff[sic], le tirèrent de la classe des simples facteurs à gage pour le placer dans celle des commerçants.123

En outre, la présence de Charles-Joseph à Chambéry est attestée lorsqu'il faut régler la succession parentale.

En 1782, les frères Claude & Charles fils de feu spectable Pierre Caffe vendent aux enchères la maison qu'ils ont à Chambéry. Partage le 19/05/1783.

Charles teste en 1790, de passage à Chambéry avant un long voyage en France pour le commerce : il cite son feu père spectable Pierre, ses nièces Louise & Marguerite Caffe filles de Claude Louis.

Fin 1791, ce sont ces même nièces qui déploreront l'infamie associée à leur famille par la condamnation de leur oncle.

Cet aventurier, aux aptitudes semble t-il multiformes, s'est exercé tour à tour aux métiers d'agent de commerce à Lyon où il réside, avant d'écrire des articles pour le Journal de Lyon (mai-août 1791)13.

Les colonnes du périodique, de tendance girondine, se font l'écho des passions françaises : le patriotisme bien sur, mais également la dénonciation des contre-révolutionnaires et autres fraudeurs.

Le 30 juillet 1791, Caffe appelle à l'enrôlement des volontaires pour la défense de la Patrie et fustige au passage l'égoïsme des nantis et des avares qui ne participent pas financièrement à l'effort militaire.

Associé au sulfureux Laussel, le journaliste signe des articles injurieux et grossiers envers les aristocrates et les calotins. La gent féminine n'est pas épargnée...

Dans l'intervalle, il distribue en Savoie une brochure in-8e adressée au roi de Sardaigne sous le titre Le premier cri de la Savoie à la liberté (1791) : cet acte séditieux lui vaut une condamnation à mort.

Voyons, au sujet de ce brûlot, ce qu'écrit Joseph de Maistre, sénateur au Sénat de Savoie, dans une lettre adressée au marquis Costa de Beauregard.

« [Cette brochure] est une œuvre bien détestable, imprimée à Paris sur du beau papier […]. On nous y propose doucettement de voir ce qui nous conviendrait le mieux, de nous donner à la Suisse ou à la France, ou de nous révolter pour notre compte. Sous une apparente modération, la pièce est fort incendiaire, mais les amateurs de Chambéry trouvent cela d'assez bon ton […] : je vous dis qu'ils sont fous. [...]

« Au reste, mon cher ami, il n'y a rien de si difficile que de se procurer cette brochure pour une demi-heure. Le gouvernement en recherche tous les exemplaires avec avidité, ceux qui en ont n'osent pas les montrer ; ainsi, ne soyez pas surpris que je ne vous l'aie pas fait connaître. Cette pièce a, je crois, vingt-neuf à trente pages d'impression ; on me l'a fait lire très rapidement. Depuis, j'ai voulu l'obtenir pour une heure, la chose n'a pas été possible. C'est, au reste, un tas de calomnies très faciles à réfuter, même brillamment, si le gouvernement voulait s'y prêter, [...] »14

Réfugié en France, le citoyen Caffe rejoint un compatriote médecin, lui aussi contumace, Joseph-Marie Dessaix (1764-1834). Ce dernier est destiné à une brillante carrière militaire, d'abord à la tête de la Légion des Allobroges (septembre 1793), puis comme général d'Empire (août 1803).

Les deux proscrits voient leurs biens confisqués. Ici s'arrête la comparaison...

 

Le soldat révolutionnaire

Caffe, le bouillant patriote prêt à en découdre, s'enrôle alors au second bataillon de volontaires du Rhône-et-Loire et, le 4 octobre 1791, il est élu capitaine de la 3e compagnie. Cette unité se trouve en garnison à Lagnieu, dans l'Ain. Le 12 octobre l'officier brigue la place de lieutenant-colonel15. Mais les suffrages sont favorables au lyonnais J.M. Sériziat. [Cet adjudant général trouvera la mort en Vendée en 179316].

Déçu, Caffe entame une campagne de dénigrement (et de dénonciation) qui entraîne la démission de sept officiers. A cette occasion, il produit des témoignages de probité : « Quand à ma conduite particulière, voilà les cartouches de mon service de terre & de mer […] ».

Victime de ses méthodes, un procès verbal est rédigé par les officiers de son unité qui exclue l'encombrant personnage. Autrement dit, c'est avec ses états de services (les fameux cartouches) obtenus sous l'Ancien Régime que Caffe fait valoir ses références militaires !

Caffe est reçu à la Convention nationale en février 1792 et il y dépose l'arrêt qui le condamne « par contumace, à être pendu, étranglé, jusqu'à ce que mort naturelle s'ensuive [...] »

Quelques mois plus tard, son cas est à nouveau évoqué...

Séance du 3 mai 1792.

« L' Assemblée nationale , après avoir entendu le rapport de ses Comités Militaire & Diplomatique sur les réclamations de Charles-Joseph Caffe, devenu citoyen français, renvoie au Pouvoir exécutif la demande dudit Charles-Joseph Caffe, tendante à faire anéantir le jugement rendu contre lui par le Sénat de Chambéri, & à se faire restituer ses biens confisqués […]. »17

Un article du Mercure de France (N°19, 12 mai 1792, p.121) précise : « que les juges de Chambéry avoient eu tord de condamner le sieur Caffe, Savoyard, à être pendu pour des imprimés séditieux publiés en France & portés en Savoie ; qu'un bataillon de volontaires qui n'a pas voulu conserver M. Caffe parmi ses capitaines, sous le prétexte incivique & d'ancien préjugé que ce capitaine avoit été pendu en effigie, avoit eu tord de l'exclure. »

Le différend qui oppose les cadres du bataillon et Caffe provient peut-être du caractère entier de ce dernier : en outre, il ne répond pas aux critères requis pour faire campagne, étant déjà âgé de plus de 40 ans (voir par exemple l'Arrêté du Directoire du département de Rhône et Loire relatif à la composition & l'organisation du premier bataillon de volontaires nationaux de la ville de Lyon – août 1791.

D'un tempérament vif, Caffe refuse de regagner un régiment où 28 officiers l'ont accusé de meurtre (en duel ?). Le 14 mai 1792, il est nommé capitaine des Guides de l'armée du Midi. Destitué par Montesquiou, il va voir le général qui finit (devant son insistance) par lui confier (le 24 juin 1792) le commandement d'une compagnie franche qu'il a en charge de former seul. Le bouillant « Savoysien » organise sa compagnie à Trévoux.

L'homme n'est pas facile à commander et son attitude est proche de l'indiscipline, d'autant qu'il se sent libre d'agir à sa guise, d'écrire aux généraux, de dénoncer les principes anti-patriotiques...

Ainsi, depuis Lyon, Caffe s'est rendu à Paris plaider sa cause, avant de rejoindre son affectation aux guides (à l'état-major ?), puis de prendre part à l'organisation d'une troupe dans l'Ain.

Il entre ensuite en Savoie à la suite des troupes d'invasion françaises, non pas au sein de la Légion des Allobroges comme on aurait pu le penser, mais pour prendre la tête d'une compagnie franche.

Son caractère est ainsi décrit par un auteur ayant eu connaissance de la source.

« nommé capitaine d'une compagnie franche sous les ordres du général Montesquiou, après l'entrée de l'armée française à Chambéry le 22 septembre 1792. D'une nature ardente, qui ne manquait pas de générosité, mais de pondération, d'un caractère inégal et inquiet qui lui suscita de grandes difficultés et entrava sa carrière, il ne put, malgré son intelligence et ses qualités de bravoure, dépasser le grade de capitaine. »18

Sur la frontière piémontaise, tandis que son frère Claude-Louis est honoré du titre de premier grenadier du Mont-Blanc avant de prendre en charge la traque des réfractaires, Charles Joseph se distingue comme à son habitude !

Il attestera de son courage et de ses blessures mais il se fait également remarquer par ses écrits polémiques :

En février 1793, Ch. Jo. Caffe est envoyé occuper le poste frontière de Lanslebourg. [À force de harceler Kellermann] Il obtient un poste de commandant temporaire des troupes de la Haute-Maurienne, ce qui atteste de ses valeurs militaires. Mis aux arrêts le 25 mars 1793.

2 avril 1793, séance du Conseil : renvoi au général Kellermann d'une dénonciation de la municipalité de Lanslebourg contre Caffe, capitaine de la 1ère compagnie franche des Alpes, accusé d'avoir calomnié par lettres la légion des Allobroges19.

Cette affaire semble sérieuse puisqu'elle est transmise en haut-lieu :

Pièces concernant les affaires de Casse [sic pour Caffe], capitaine d'une compagnie franche de l'armée des Alpes, et du lieutenant Desonnaz, de la légion Franche-Allobroge, y compris tract imprimé de ce dernier intitulé : « La toile est levée ». 22 janvier – 30 avril 179320.

Cette brochure, composée par un élément très politisé, est hostile au haut-commandement soupçonné de collusion avec les émigrés .

La légion compte également parmi ses officiers, un autre ultra, parent de Dessaix, le capitaine Michel Chastel, futur chef de l'éphémère Légion de la Montagne (voir l'ouvrage très documenté de Paul Guichonnet, Les Chastel, Editions Lolant, 2011).

Il semble bien que Caffe, malgré son engagement patriotique, ait trouvé encore plus radical que lui. Peut-être que les derniers évènements survenus en France ont ébranlé ses convictions ?

C'est en cette année 1793 que bascule le sort de la famille royale. Le capitaine Caffe prétend avoir joué un rôle dans ce drame, tout du moins en ce qui concerne la tentative pour faire évader de la Conciergerie la reine Marie-Antoinette.

Le personnage devient alors déroutant. Sa notice biographique21 indique que déçu par le cours de la Révolution il devient membre d'un complot destiné à libérer la Reine ! Ce fut un fiasco... (Il serait parti de Grenoble le 17 juillet 1793 pour gagner Paris et aurait quitté la capitale le 16 septembre).

« Les autorités de cette époque ignorèrent la part que M. Caffe avait prise dans ce complot, car la même année [1792-1793] il fut nommé successivement capitaine des guides de l'armée du midi, commandant d'une compagnie franche, et commandant du Mont-Cenis [en charge de l'arrestation des émigrés qui voulaient rejoindre le Piémont]. » (P)

En 1793, d'après l'Almanach de France, Caffe est l'officier commandant de la place forte du Mont-Cenis (4e classe).

Selon les dires de l'aventurier, l'épisode se termine mal puisqu'il est condamné et jeté au cachot.

Les sources manquent sur le net pour confirmer son parcours durant cette période de Terreur. Cependant, le trouble est grand lorsque il s'agit de définir son action rétrospectivement : est-il favorable à la Révolution ou anti-jacobin ?

L'auteur de la source22, qui cite plusieurs passages du livre de Cornil donne des informations précises sur cette période fort agitée : « [Suite à son procès avec les Allobroges] Innocenté, réincorporé le 6 septembre 1793, il regagne son armée qui assiège Lyon. Sur demande de son bataillon entier, il est remplacé. Dubois Crancé le fait arrêter le premier octobre 1793, comme suspect d'entretenir une correspondance secrète avec Kellermann. S'ensuit son transfert à Paris et son incarcération au Luxembourg jusqu'au 15 décembre 1794.

Décidément, il fait figure d'un homme très instable et probablement modérément apprécié...

 

Le militaire du Directoire et du Consulat

L'évolution politique du pays permet la libération du détenu politique et sa réintégration dans l'armée. Le 5 février 1795, Caffe, ex-capitaine au bataillon franc de l'armée des Alpes est nommé à une compagnie au premier bataillon du cinquante-troisième régiment (Pyrénées-Orientales)23.

24 germinal an 3, [13 avril 1795] Charles Joseph Caffe capitaine au 53e régiment d'infanterie fait une transaction avec son frère Claude Louis.

Notre sujet ne semble pas avoir rejoint son régiment sur le front espagnol. Par contre sa route le conduit à déclarer sa flamme à une demoiselle Drômoise, presque trentenaire …..

Il l'épouse à la mairie de Die le 29 avril 1795. L'acte de mariage précise l'état civil des époux :

Charles-Joseph Caffe domicilié et né à Chambéry le 28/04/1751, capitaine au 53e RI, vaguemestre général de l'armée d'Italie [filiation] & Elisabeth Françoise Dorothée Chevandier née à Dye en 1766 [fille de négociant].

Ils vont partager près de 25 ans de vie commune et avoir 4 fils et une fille entre 1796 et 1803. (G).

Le couple s'installe à proximité de Chambéry où le marié possède quelques biens.

Les dates de naissance sont précieuses : l'aîné des fils (Chambéry août 1796- Leipzick 1813), le suivant vers 1797 (décédé en 1815 après Waterloo), son cadet (Chambéry, mars 1799), leur sœur (Chambéry, novembre 1801-1823). Enfin, le dernier fils, célèbre médecin (Chambéry, décembre 1803- Paris, 1876).

Par déduction, les époux ont pu procréer en décembre 1795, 1796-1797, juillet 1798, février 1801 et mars 1803.

Par ailleurs, selon la déclaration de Caffe lue plus haut, il dit avoir été nommé «vaguemestre général de l'armée des Alpes et d'Italie, avec le grade de chef de bataillon, le 19 floréal an III [8 mai 1795]».

Nuance, les actes de baptême de ses enfants lui donnent le titre de commandant d'armes, qui désigne l'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé.

Quant au vaguemestre, il est plus particulièrement chargé d'organiser le bon déroulement des transports et charrois de la division, du fourrage des chevaux, du transport des munitions, blessés, de la discipline pendant les trajets, etc.

Durant l'été 1795, il est nommé, par Kellermann, commandant temporaire de le place de Faverges.

Caffe semble donner satisfaction à ses supérieurs : en récompense, il est nommé « commandant temporaire de la place du Mont-Cenis, le 20 messidor an VII [8 juillet 1799]». La place est stratégique...

Grenoble le 26 thermidor an VII (13 août 1799) : le général Championnet (1742-1800) expédie un ordre de marche au citoyen Caffe, commandant à Faverges24.

Le poste est finalement supprimé en septembre...

La carrière de l'impétueux savoyard semble s'être stabilisée : un foyer, des enfants, une affectation stable...

Toutefois, les naissances ont lieu dans la cité savoisienne, ce qui semble suggérer que les époux ne se retrouvent que de façon épisodique. Caffe s'endort-il sur ses lauriers ?

L'officier savoyard qui commande le fort du Mont-Cenis, se fait surprendre nuitamment, sans coup férir, par un coup de main autrichien en avril 1800. Le général de brigade Valette rend compte :

« Je ne puis accuser de la prise du Mont-Cenis les troupes que je commandais, puisque, ayant été retirées des postes et se trouvant dispersées dans des maisons isolées, elles se disposaient à partir au moment où elles ont été enveloppées. Mais la faute en est seule à l'ineptie du commandant Caffe, qui n'a pas l'ombre de son métier et dont la réputation n'est pas bonne.

Voilà, citoyen ministre, l'exposé des faits tels qu'ils se sont passés. […]

J'ai l'honneur de vous observer que le citoyen Depoltre, chef de brigade, commandant l'artillerie de la division [9e], m'a constamment suivi, et qu'il a apporté autant de zèle que d'activité dans toutes les opérations dont je l'ai chargé ; il avait fourni au commandant Caffe les moyens nécessaires pour l'enclouement des pièces ; mais la manière dont il s'est laissé surprendre ne lui a permis ni de les enclouer ni de les précipiter dans les ravins formés par la cascade de la Cenisia. VALETTE25

 

Sa biographie est plus élogieuse :

« Malgré les privations de tout genre que Caffe éprouvait sur le Mont-Cenis, il s'y maintint jusqu'en l'an IX, époque à laquelle il fut nuitamment fait prisonnier par trois mille Autrichiens et Piémontais réunis, commandés par le marquis de Cortaz. […] Conduit à Turin, on lui donna la ville pour prison […].

Les conquêtes de l'armée française ne permirent pas que Caffe put rester longtemps à Turin : il fut conduit à Klagenfurt en Carinthie [Autriche].

Le commandant Caffe fut bientôt compris au nombre des premiers prisonniers qui furent échangés par convention ministérielle ; il fut réintégré dans son poste du Mont-Cenis et nommé plus tard au commandement important du fort Barreaux […]. »

« En 1806, âgé de 55 ans, il quitte la carrière militaire [autrement dit, il est réformé]. Le 5 octobre 1806 il est nommé juge au tribunal de Valence, dans la Drôme. »

L'Almanach de 1811 le dit toujours en poste à Valence, comme capitaine au tribunal spécial.

La même année, il devient président du Tribunal spécial et criminel de l'Ain. Puis il se retire dans sa propriété proche de Chambéry. »

 

Le premier grenadier de France

Pendant ces péripéties, l'aîné Claude-Louis Caffe qui est resté avec sa famille à Chambéry, tente par tous les moyens de sauver l'honneur. Enrôlé dans la garde nationale il est désigné, sur une liste établie par un contre-révolutionnaire, comme bourgeois et espion des généraux français26.

Dans un courrier adressé à son avoué et ami, le citoyen Pache, il remercie ce dernier pour toute l'aide financière qu'il lui apporte. Ensuite il décrit longuement les conditions de son service. En voici un passage27.

« Thonnon le 3 8bre 1793 l'an 2 de la République une et indivisible ou la mort.

Je vous dirais que je n'ai d'inquiétude que pour ma famille […] je me porte fort bien, je fais des courses du diable en vrai grenadier et je puis vous assurer que tous mes frères d'armes dont je suis le doyen m'écoutent et me veulent du bien […] je veux qu'on fasse le soldat rondement. Ce sont tous des braves gens porté de bonne volontés et de bon courage. Je leur sert de père, d'ami et de vrai camarade, et malgrés toutes nos misères par les montagnes où nous avons tous souffert de fain, de soif et par dessus le marchés des poux en abondance ayant tous couchés pendant 13 jours dans nos fouraux sur la paglie et malgré cela nous étions tous content et le service se faisoit mieu qu'on auroit du s'attendre d'une troupe organisés depuis si peu de temps. […] J'ai toujours fait les affaires du détachement et surtout mon devoir en vrai grenadier, c'est ce que je ferais jusqu'au dernier souffle de vie, et les lâches jean-f(outres) qui m'ont si longtems injustement calomnié seront forcé de me rendre justice […] Caffe grenadier de la G.N. De Chambéry »

Alerte septuagénaire, il continue de courir après les déserteurs...

22 floréal an III [11 mai 1795] : nomination de Caffe comme agent chargé de faire exécuter la levée des réquisitionnaires28. 21 messidor an III [9 juillet 1795] : envoi sur la frontière du Valais de Claude-Louis Caffe, ancien militaire, qui poursuivra les déserteurs et réfractaires29.

 

Conclusion

Cette longue recherche laisse de nombreuses zones d'ombre. Toutefois, la quête sur le net, semée d'embuches, donne une vision large des événements et permet de contextualiser les données. Globalement, la trame biographique est respectée, même s'il y a de nombreuses lacunes. Le capitaine Caffe apparaît comme un personnage singulier, aux contours assez flous, attaché à la Savoie et à ses montagnes, d'un tempérament assez vif mais peu apprécié de sa hiérarchie : ses nombreuses « mutations » et les lenteurs de son avancement en sont la preuve.

Le hasard faisant bien les choses, j'ai eu la chance de faire la connaissance d'un généalogiste amateur, monsieur Jacques Glisse. Ce dernier a eu l'extrême obligeance de se rendre au SHD où il a pu consulter les dossiers militaires des frères Caffe.

Le dossier de Charles Joseph est très fournis : il comporte de nombreuses sollicitations et atteste des liens quasi « paternels » qui le reliaient à Kellermann, son protecteur.

Patriote dans l'âme, c'est incontestable mais il subit la défiance de certains généraux, tel Montesquiou qui le prive de sa place de capitaine des guides de l'Armée du Midi (juin 1792). Courageux, il est blessé en mars 1793 par un tir piémontais. Cela ne l'empêche pas d'être à son tour dénoncé pour malversation. Après une destitution de sa place de capitaine d'une compagnie franche, il se rend à Paris durant l'été 1793 : il a surtout profité de son séjour dans la capitale pour se justifier et retrouver son commandement qui lui a été retiré : plus tard il affirmera s'être joins à un complot destiné à faire évader la Reine...

Ayant rejoint un bataillon franc qui assiège Lyon, il est désapprouvé par son unité !

Son rôle de dénonciateur en 1791-1793 n'est pas à son avantage puisqu'il sera mis aux arrêts par Dubois-Crancé en octobre 1793. Il subit alors une longue période d'emprisonnement qui, dans le contexte de Terreur lui a peut-être sauvé la vie.

 

Fréd "Montferme" Pradal

Membre de la SEHRI

 

1A.D. Ain : cote 200 J 281

2 La brochure est consultable en ligne sur https://books.google.fr, : Le premier cri de la Savoie vers la liberté ; Par CC**A. Grenadier Patriote. A Chambéry, L. Gorrin, Imprimeur du Roi & du Sénat. A Paris, au Cabinet Bibliographique. M.DCC. XCI. Les historiens s'accordent pour désigner B. Voiron comme étant l'auteur de cette brochure.

3 A.D. Ain : cote T323, Mémoire de maitrise de Laurent Jaquet, Lyon 1996. D'après cet universitaire qui a consulté la biographie de Caffe (voir source C ci-dessous), il est prudent d'émettre quelques réserve : « Celle-ci est élaborée à partir des souvenirs qu'il conta à ses enfants » (p. 183). Nous verrons que certaines affirmations tiennent de la rumeur pure et romancée (extrait de la note 117, p. 54) ».

4 Cornil A.-V. , Un Patriote savoisien pendant la révolution française : Biographie de Charles-Joseph Caffe. Moûtier. Cet ouvrage est consultable à Chambéry, à la Bibliothèque du Musée Savoisien, cote 121.3 CAF COR.

5 C.Bailly de Merlieux, M.A. Jullien, Mémorial revue encyclopédique des connaissances humaines, tome 6, Paris, 1836 (p. 50)

6 Ethelbert-Louis-Hector-Alfred Hébert, Mémoire d'un contemporain que la Révolution française fit orphelin en 1793, Paris, 1843 (p. 76)

7 SEHRI : La Feuille de Route n°38 (2004), Les compagnies franches de 1792 par Jérôme Croyet

8Vente aux enchères ADER Nordmann. 6 juin 2012, salle Drouot Richelieu,Paris. Lot 76

9 La branche Caffe de Chambéry a fait l'objet d'une recherche sérieuse et documentée de la part de M. Jacques Glisse : il m'a fourni de précieuses informations qui permettent de suivre notre sujet. Son arbre généalogique est consultable sur Geneanet. Qu'il soit ici vivement remercié pour son concours.

10 voir Corinne Townley, Christian Sorrel, La Savoie, la France et la Révolution 1789 & 1799. Co-édition Madelon, Curandera, Atelier Hugueniot 1989. (p.69)

11 (Histoire de la Bastille dévoilée, ou recueil de pièces authentiques pour servir à son histoire, 7e volume, page 1 et suivantes ; Paris, 1790).

12 Biographie des hommes du jour artistes- chambellans [...] - militaires […] savans par Germain Sarrut et B. Saint-Edme (Tome VI, Paris 1842) CAFFE (Paul-Louis-Balthazar) médecin de l'Hôtel-Dieu. À cette occasion, une longue note de bas de page fait l'éloge de son père : Caffe (Charles-Joseph), chevalier de Saint-Louis* et de la Légion d'Honneur, [1751-1835], etc .

13 Le premier cri de la Savoie vers la liberté ; Par CC**A. Grenadier Patriote. A Chambéry, L. Gorrin, Imprimeur du Roi & du Sénat. A Paris, au Cabinet Bibliographique. M.DCC. XCI. Les historiens s'accordent pour désigner B. Voiron comme étant l'auteur de cette brochure.

14 Costa de Beauregard (marquis). Un homme d'autrefois. E.Plon, Paris, 1877

15 Le premier cri de la Savoie vers la liberté ; Par CC**A. Grenadier Patriote. A Chambéry, L. Gorrin, Imprimeur du Roi & du Sénat. A Paris, au Cabinet Bibliographique. M.DCC. XCI. Les historiens s'accordent pour désigner B. Voiron comme étant l'auteur de cette brochure.

16 Paul Ballaguy, Un général de l'An Deux Charles Sériziat (1756-1802) . Lyon, 1913 (p. 56-57)

17 Procès-verbal de l'Assemblée nationale volume 8, pp 70-71

18 Éloge de M. le docteur Caffe par le général Borson (séance du 15 juin 1899) - Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie - 1902 (SER4,T9).

19 A.D. Savoie : Inventaire de la série L, Fonds du département du Mont-Blanc (1792-1815). (2009)

20 A.N. : Archives du Conseil exécutif provisoire, de la Convention et du Comité de Salut public, cote AF/11/281, Dossier n° 2344,inventaire, pièces 4-7.

21 Biographie des hommes du jour artistes- chambellans [...] - militaires […] savans par Germain Sarrut et B. Saint-Edme (Tome VI, Paris 1842)

22 Le premier cri de la Savoie vers la liberté ; Par CC**A. Grenadier Patriote. A Chambéry, L. Gorrin, Imprimeur du Roi & du Sénat. A Paris, au Cabinet Bibliographique. M.DCC. XCI. Les historiens s'accordent pour désigner B. Voiron comme étant l'auteur de cette brochure.

23 Procès verbal de la Convention Nationale du 17 pluviôse, l'an troisième de la République française, une & indivisible [05 février 1795]. Présidence de Barras. pp. 165 à 169 : Nomination aux emplois vacants dans l'infanterie. (On rencontre plusieurs ex-instructeurs à l'école de Mars)

24 Odyssée, w3public.ville-ge.ch : bibliothèque de Genève, département des manuscrits et archives privées.

25 Capitaine de Cugnac, Campagne de l'armée de réserve en 1800. Chap. IV : Surprise du Mont-Cenis, 8 avril (p. 129), Paris, Librairie militaire Chapelot, 1900.

26 Paul Guichonnet, document publié dans Mémoire de l'Académie de Savoie, Huitième série, tome IX, 2008.

27 A.D. Ain : cote 200 J 281

28 A.D. Savoie : Inventaire de la série L, Fonds du département du Mont-Blanc (1792-1815). (2009)

 

29 A.D. Savoie : Inventaire de la série L, Fonds du département du Mont-Blanc (1792-1815). (2009)

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