1792 : les biens nationaux

 

 Avec la mise en place de la Constitution Civile du Clergé, le 12 juillet 1790 et le la sécularisation des biens de l’Eglise, le 2 novembre 1789, la Nation Française récupère une masse de biens fonciers et immeubles extraordinaire. Ces biens nationalisés les 19 décembre 1789 et le 28 décembre 1793 forment les biens nationaux. Ces biens sont de deux origines, les biens de premières origines, ceux du clergé et ceux de seconde origine, ceux des émigrés et des condamnés.

Les biens de premières origines représentent une fortune colossale, peut être 20% des terres du royaume. Sur proposition de Mirabeau, ils sont mis à le disposition de la Nation et vendus en exécution des décrets des 13 mai et 16 juillet 1790 comme biens nationaux.

Les biens de seconde origine sont  créés le 1er janvier 1792. Ce sont les biens des personnes émigrés, au 31 octobre 1791 qui ne seront pas rentrées au bout de deux mois. A ces biens s’ajoutent ceux des personnes condamnées pour crimes contre-révolutionnaires. Les biens des émigrés sont mis en vente avec les décrets du 2 septembre 1792 et du 3 juin 1793. A partir du 4 avril 1795, les biens des condamnés sont restitués. Il faut attendre 1802, pour que Bonaparte proclame la restitution des biens des émigrés non vendus.

La somme totale des biens nationaux représente 6 milliards de livres. Ils seront mis en vente jusqu’en 1825. Cette mise en vente permet de doubler le nombre de propriétaires terriens en France durant la Révolution et l’Empire.

Pour bon nombre de citoyens, cette vente permet d’accéder à la propriété et de renforcer un patrimoine ; pour les collectivités, cela permet d’acquérir des bâtiments, comme la ville de Bourg qui prend possession de l’église et du monastère de Brou, le 20 mars 1791 distraits de la masse des biens vendus à la municipalité de Bourg.

Mais pour autant, la vente des biens nationaux n’est pas un marqueur de l’adhésion aux idées de la Révolution.

 

La vente des biens nationaux : adhésion aux idéaux universels de la Révolution ou simple opportunisme financier ?

 

Si les ventes sont rapides et trouvent acquéreurs à des prix souvent au-dessus des estimations, ce succès est dû à des causes diverses, dont une des principales serait le désir très vif de beaucoup d’acquéreurs de trouver un placement pour leurs assignats, de s’en débarrasser au plus vite, en échangeant ce papier contre une propriété solide, contre la terre. Pourtant, dès le 19 décembre 1789, le député de Lyon, Bergasse, prononce publiquement que le papier monnaie perdrait rapidement de sa valeur et que « dans ce passage violent d’une richesse apparente à une pauvreté réelle, tout votre numéraire se sera écoulé ; il ne vous restera plus qu’une monnaie stérile entre les mains » [1]. Pour ce député, voisin de l’Ain, le papier monnaie « causerait la ruine de nos finances et celle du pays tout entier » dit il à l’Assemblée, le 19 décembre 1789. « Comme l’assignat était reçu à sa valeur nominale en paiement des domaines nationaux, l’acquéreur gagnait toute la différence entre la valeur nominale du papier révolutionnaire et sa valeur réelle. Il est un fait certain, c’est que des aristocrates notoires achetèrent des biens d’Église, des curés réfractaires, des nobles »[2].

De fait, peu de révolutionnaires dans l’Ain sont acquéreurs[3] de biens nationaux de 1ère origine bien que 97 lieux de militantisme sont aussi des lieux d’acquisition de biens. Ceux des militants qui acquièrent des biens, notamment de 1ère origine en 1791, le font sur des biens ruraux pouvant être affermés, comme des vignes en Revermont ou des terres, voir des futais et des bois dont on peut tirer un rendement. Les acquéreurs achètent des biens qu’ils connaissent et généralement rares sont ceux qui en acquièrent plus de deux. Les militants acquéreurs de biens de 1ère origine le font dans des communes environnantes leur domicile.

Cette vente est toutefois un enjeu financier majeur et, durant l’an II, un moyen de s’enrichir par des malversations notamment dans la ville de Gex grâce à des « assignats [qui] perdraient cinquante pour cent »[4] dès fin 1792.



[1] Protestation de mr Bergasse, député de la sénéchaussée de Lyon contre les assignats monnaie, [1789]. Coll. Part. de l’auteur.

[2]    MATHIEZ (Albert) : La Révolution Française. Denoël, 1985.

[3]    2 sur 29 révolutionnaires à Mézériat ; 7 sur 127 à Coligny ; 17 sur 82 à Simandre-sur-Suran ; 5 sur 39 à Polliat. Toutefois ils sont plus nombreux dans les petites communes, comme à Fleyriat.

[4] Lettre du lieutenant-colonel Rutteau au conseil d’administration du 1er corps de hussards de la Liberté, Fort Vauban, 6 mai 1793.

 

 

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

mis en ligne par l’association SEHRI

 

 

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