1914 : un été terrible

 

Le soldat de 1914 n’est pas encore le Poilu mais le Piou-piou. Dans l’infanterie, il est caractérisé par son képi et son pantalon garance auquel les généraux tiennent beaucoup, car il était déjà porté en 18701. Le Piou-piou est une image de la masculinité de la Belle-Epoque mise en place par les codes sociaux où l’activité physique est considérée comme indispensable, « dénonçant les effets néfastes du surmenage et de l’inactivité, [dans] le contexte nationaliste et revanchard [qui] contribue à orienter les efforts vers la préparation du futur soldat. Les sociétés gymniques, dont le développement est considérable entre 1870 et 1914, ont ainsi pour mission d’effectuer le relais entre l’éducation physique scolaire et l’armée »2.

Très rapidement, la mobilisation touche aussi le matériel. Face à l'afflux d'hommes mobilisés et la perspectives de l'allongement du conflit, le 24 octobre 1914, le ministre de la Guerre demande « qu'en attendant que tous les militaires présents sous les drapeaux aient pu être doté ed tous les effets réglementaires d'uniforme, il convient d'utiliser dans le plus large mesure possible les ressources locales de chaque région »3. Ce que les allemands appellent l'erzats vient de faire son entrée dans l'armée française. En effet, outre la pérconisation de fabriquer des vêtements du dessous en étoffes de toutes sortes, l'uniforme ne l'est plus. En effet, il est toloré que le piou-piou en phase de devenir un poilu porte un pantalon bleu (ou un rouge recouvert d'un bleu), de bandes molletières ou de petites jambières de cuir ou te toile et une veste en drap quelconque de bonne qualité. Le seul effet qui reste uniforme est la capote et le képi. Pour économiser l'usure des vêtements, les hommes des dépôts sont habillés de vêtements d'occasion4, le neuf étant réservé aux soldats du front. Cela se joue aussi sur des détails. Ainsi les hommes du dépôts perçoivent des tuniques, les vestes étant réservées à la tenue de campagne. Cette mesure est applicable dans la 15e région militaire dès le 29, sauf pour les chasseurs alpins qui continuent de percevoir leurs effets bleu foncé. Toutes les autres distributions d'effets ne le sont qu'à titre exceptionnel jusqu'à la « confection des vestes et des pantalons »5 prescrits.

 

Jérôme Croyet

membre du GmT 713 

 

1 En 1914, chaque arme dans l’armée française à sa couleur et son uniforme distinctif. Comme sous le Premier Empire.

2 BAZOGE (Natalia) : « La gymnastique d’entretien au xxe siècle : d’une valorisation de la masculinité hégémonique à l’expression d’un féminisme en action », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés n°23, 2006.

3Circulaire du ministre de la Guerre sur l'habillement, le campement et le couchage. Paris, 24 octobre 1914. Centre de documentation du Musée de L'Empéri, Z20e.

4Les hommes du dépôts sont habillés d'une tunique de drap ou d'un bourgeon en toile, d'un pantalon de treillis et d'une capote en drap. Les sous-vêtements sont quelconques, donc civils. Le couvre-chef est le kéi ou le bonnet de police.

 

5Circulaire du ministre de la Guerre sur l'habillement, le campement et le couchage. Paris, 24 octobre 1914. Centre de documentation du Musée de L'Empéri, Z20e.

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