1915 : le poilu, le soldat de France

Le soldat

 

Le poilu est le surnom donné au soldat français à cause de sa barbe hirsute et de sa capote en drap de laine modèle 1915, portée pour partir au front à la mi-1916. Il est coiffé du casque Adrian dont l’adoption est un événement photographié au 23e RI, d’un pantalon en drap de laine, des bandes molletières, des brodequins, un étui-musette, une musette, un ceinturon modèle 1903/14 et ses bretelles de suspension modèle 1892/1914, un masque à gaz M2, trois cartouchières modèle 1905/14, une baïonnette-épée modèle 1888/1914 dite Rosalie, un bidon de deux litres, sur son havresac dit As de Carreau, qui contient ses vêtements, se trouve la couverture, la toile de tente individuelle modèle 1897, qui maintenu par des cordelettes au cou et à la taille forme un poncho imperméable, des piquets, des brodequins de rechange, la gamelle individuelle, un outil collectif (hache, pelle-bêche, pioche, serpe ou cisaille). Une fois totalement équipé et prêt à monter en premières lignes, le fantassin perçoit un supplément de munitions, des grenades et des vivres frais. L’artilleur et le sapeur du Génie, s’ils ont le même uniforme, touchent un fusil plus court, adapté à leur fonction[1].

Pour beaucoup de soldats de l’Ain, la guerre leur permet de découvrir de visu les autres belligérants alliés, vus jusque là sur les images de l’Illustration ou sur les cartes postales : « j’ai put admirer les troupes anglaises…on ne distingue pas de régiment, ils sont tous habillés la même chose de couleur kaki comme à grande casquette…leur équipement est tout en toile pour les galons ils sont de la couleur de l’habit un peu moins foncée, comme tenue militaire elle imiterait un peu la tenue Allemande, à part les Allemands ont les casques à pointe et les bottes et la nuance de leur habit plus grise. Les anglais sont plus propres et plus élégants que nous » [2]. Plus tard ce seront les Américains, qui d’abord pris un peu pour des gardiens de vaches se révèleront être si efficaces et redoutables que figurer avec un Sammies sur une photo est un grand honneur[3].

Si la photographie du camarade dans son uniforme présente l’ami-soldat, elle traduit une fonction au détriment de l’individu. Ainsi c’est derrière la dépersonnalisation de l’uniforme, du combattant, qu’il faut retrouver l’individu avec son histoire.

L’environnement et les conditions des combats font naître un esprit commun entre les hommes qui vivent la même galère et ou l’entraide devient une nécessité : « tout va bien, je pars sans frayeur aucune, ayant avec moi, des amis, qui m’apprendront la guerre » [4]. Cet esprit commun n’a pas de frontière, que ce soient les Anglais, les Russes puis les Américains, « le goût de la tranchée » leur octroi à tous le même statut, celui de Poilu.

Les nouveaux venus attirent toujours un peu l’attention des anciens qui, au bout d’un moment, forment une caste respectée [5]. En effet, les nouveaux qui ne connaissant rien au combat et à la vie à la guerre sont remplis de questions et d’interrogations faisant part de leurs doutes et leurs craintes[6] même si certains sont parfois trop fébriles au goût de ceux qui sont déjà là : « il arrive…un train complet d’artilleur…qui vient de Poitiers, ils nous font remarquer que l’on entend pas le canon…ils ont assez le temps de l’entendre les pauvres »[7].

De cette souffrance commune, naît, des mêmes faits, un esprit de camaraderie entre les poilus, avec les alliés et même avec les poilus allemands, car ils ont tous comme point commun de vivre un enfer quotidien. Cet enfer, lorsqu’il n’est pas vécu directement reste présent et le poilu a de l’empathie pour celui qui souffre plus loin : « je plaint ceux qui se battent à Verdun ou dans Somme » écrit Monet à sa femme à Leyment le 7 août 1916 ; « tous ces soldats qui vont à la boucherie chantent comme au départ de la mobilisation » écrit Joseph Suchet dans son journal le 28 février 1915.

 

Jérôme Croyet

membre du GmT 713 

 



[1]              « Avant de partir à Vingré on échange nos fusils avec des mousqueton, on est content, car c’est moins lourds et moins embarassants ». Journal du sapeur Guillet de Beaupont, février 1915.

[2]              Journal du sapeur Guillet de Beaupont, 4 octobre 1914.

[3]              Un poilu du 23e se fait prendre en photo, le 19 juillet 1918 avec un soldat américain du 39e d’infanterie qui a tué deux allemands à la bayonnette.

[4]              Lilite 23 avril 1918 à ses parents à Meximieux

[5]              « Pauvre 116 il n’en reste presque plus surtout a mon bataillon je ne connais plus personne. Je suis seul comme ancien à l’E.M. ». Lettre de Traval à sa mère, 14 novembre 1917.

[6]              « Ils ont un peu tous la frousse, ils nous demandent s’ils sont loin des Boches, et si on va d’abord les mener au combat. Il y a 8 mois qu’ils étaient du côté de Besançon, ils n’ont pas encore entendu le canon ». Journal de Joseph Suchet, 19 avril 1915.

[7]              Joseph Suchet, journal 5 février 1915.

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