1793 : les comités de surveillance dans l'Ain

LES COMITES DE SURVEILLANCE

 

C’est le décret du 21 mars 1793 qui prévoit la mise en place, dans chaque commune de la République, d'un comité de surveillance composé de 12 membres choisis pour leur patriotisme par leurs concitoyens. Les comités de surveillance sont chargés du recensement des étrangers dans leur juridiction : commune, municipalité, paroisse ou canton. Dans l’Ain, le décret du 21 mars 1793, bien que promulgué, ne s'applique pas immédiatement. Peu de comités existent et ce sont les municipalités qui se chargent de délivrer des mandats d’arrêts. Hormis le comité de Charix qui est créé le 21 Mars 1793, les premiers comités de surveillance créés dans l’Ain en 1793 sont ceux des sociétés populaires actives comme à Ambérieu, Bourg ou St Rambert : "les dates de créations des comités sont un premier indice de la mobilisation révolutionnaire de la commune concernée…certains comités, issus des sociétés populaires…témoignent de la vitalité des jacobins du lieu"1. C'est durant la mission de Gouly dans l'Ain, du 22 Frimaire an II au 28 Nivôse an II, que sont mis en place beaucoup de comités de surveillance communaux. Pour cela, le représentant délègue aux agents nationaux des districts le soin de les créer là où il n'y en a pas, tout comme celui d'épurer et de réorganiser ceux existant. C'est ainsi, entre autres, que Nicod-Marat, agent national du district de Gex, se rend le 19 Nivôse an II, au Grand-Saconnex pour y organiser le comité de surveillance. Ces créations forcées poussent les municipalités à créer le leur, ainsi, le 25 Frimaire an II, la commune de Manziat crée son comité suite à l'apparition de comités dans les communes avoisinantes.

La mise à l'ordre du jour de la Terreur, le 5 Septembre 1793, donne un nouveau rôle aux comités de surveillance. Le 17 Septembre 1793, la Convention les charge de "dresser, chacun dans son arrondissement, la liste des gens suspects, de décerner contre eux les mandats et de faire apposer les scellés sur leur papier"2. Désormais les comités de surveillance sont des autorités policières. Ce décret ne fait que légaliser des pratiques déjà existantes ; de plus, la Convention ordonne aux municipalités de communiquer aux comités de surveillance les noms des citoyens qui n'ont pas obtenu de certificats de civisme. Ce n'est qu'avec la loi du 14 Frimaire an II, que les comités de surveillance deviennent de véritables institutions du Gouvernement Révolutionnaire, des relais et des agents de la Convention dans toutes les parties de la République. Cette loi renforce efficacement leurs pouvoirs les mettant ainsi en concurrence avec les municipalités. Avec cette loi, la Convention prévoit l'éviction de tous les membres qui seraient déjà employés à une autre fonction, tout comme elle casse les coteries entre des membres ayant des liens de parenté. Dans l’Ain on peut constater que sur 78 membres de comités de surveillance ayant déjà un emploi, 36% sont occupés à un poste municipal et 38 % l'exercent dans la garde nationale. Lors de la roérganisation résultante du 14 frimaire, 45% des membres sortis des comités communaux le sont car ils ont des liens de cousinage. Il ressort que les membres des comités de l’Ain sont recrutés dans un milieu social où l'alphabétisation est courante et leur patriotisme reconnu. La loi du 14 Frimaire ordonne aux comités d'avoir un président et un secrétaire renouvelés tous les 15 jours. Dans l'Ain, ce renouvellement se fait, en moyenne, tous les 29 jours ; 36% des comités élisent leur bureau une fois tout les vingt jours mais 28% d'entre eux ne le renouvellent qu'une fois par mois.

Le 20 Septembre 1793 la Convention décrète “que les certificats de civisme seront révisés par les comités de surveillance et de salut public … (ou) par un comité établi ad hoc, composé de six membres pris dans les sociétés populaires3. Le 27 Septembre, les comités de surveillance sont requis d’envoyer au Comité de Sûreté Générale de la Convention les procès verbaux contenant les motifs des arrestations. Le 19 et 27 Vendémiaire an II, la Convention donne des directives aux comités de surveillance sur la conduite à tenir avec les personnes arrêtées en vertu du décret du 17 Septembre 1793 et les charge de faire savoir aux personnes arrêtées le motif de leur arrestation.

 

Les Représentants du peuple en mission dans l'Ain n'oublient pas de "légiférer" pour organiser, réorganiser, épurer, renforcer ou amoindrir les pouvoirs et rôles des comités de surveillance. C'est le Représentant Reverchon qui prend le premier des arrêtés sur les comités de surveillance. Le 5 brumaire an II, il met en place le Comité Central de Surveillance du Département de l'Ain malgré l'interdiction de centraliser tout autour d'un "super comité". Le second représentant à donner des directives sur les comités de surveillance est Gouly, dont les arrêtés sont propres à chacun d'eux. Le seul arrêté à portée départementale que Gouly prend, est celui du 14 Nivôse an II, où il leur intime l'ordre "de se renfermer scrupuleusement dans les bornes de leurs pouvoirs"4. De même, la Commission Temporaire de Surveillance établie à Lyon écrit aux districts et au département de l'Ain, durant la première décade de Frimaire an II, pour inviter les comités de surveillance à contrôler les passeports de tous les citoyens sortis de Lyon et les faire arrêter si ces derniers ne portent pas son visa. Le 28 Nivôse an II, le représentant Albitte succède à Gouly, apportant aux comités un surcroît de travail. Conscient de cela, Albitte leur fait parvenir une circulaire indiquant ce qu'il attend d'eux et leur rappelle leurs devoirs, la surveillance et l'application des lois, mais aussi leur interdit, aucune réunion ou centralisme et aucune décision qui vise à légiférer. Les décisions d'Albitte concernant les comités de surveillance sont comme celles de Gouly, des arrêtés de réorganisation ou d'épuration individuelles. Afin de resserrer les liens autour du pouvoir central5 et de mettre en place efficacement le Gouvernement Révolutionnaire, tout en prenant en compte l'impossibilité de créer un comité dans chaque commune6, Albitte réduit, le 25 ventôse an II, les comités à un par canton. Cette mesure ne s’applique cependant pas à tout le département. Le district de Gex, en raison de la frontière franco-suisse, en est exclu. Le 21 Prairial an II, Méaulle prend un arrêté jusque là sans précédent, puisqu'il fixe les salaires des membres des comités de surveillance à 3 livres. Le 3 thermidor an II, Méaulle charge les comités de surveillance de veiller à ce qu'aucun émigré genevois ne soit accueilli dans le département de l'Ain et si tel était le cas de les faire mettre en état d'arrestation.

 

Le décret du 7 Fructidor an II, supprime les comités de surveillance des cantons pour en instituer un par district. Ce décret précise que tous les membres doivent savoir lire et écrire. Le décret du 12 brumaire an III charge les comités de surveillance de recueillir les noms et adresses des officiers retirés du service. Le 14 Frimaire an III, un décret du Comité des Finances de la Convention donne enfin le mode de payement des citoyens composant les comités de surveillance. Avec l'organisation des comités de district, Boisset donne le nouveau profil politique des membres qui doivent composer les comités de surveillance. Il veut " des hommes à la fois énergiques, humains, instruits et patriotes. . . (pour) composer les autorités constituées d'un peuple libre"7. Les comités de district doivent être désormais considérés comme une administration à part entière et plus une émanation quasi-souveraine du Gouvernement Révolutionnaire. C'est le 1er Ventôse an III, que la Convention décide qu'il ne subsistera désormais qu'un comité de surveillance dans les villes de plus de 50.000 habitants. Dans l'Ain, ce décret sonne la fin des comités de surveillance.

 

Répartition des comités de surveillance par district

 

 

Belley

 

13

 

 

Bourg

 

22

 

Châtillon

 

3

 

Gex

 

26

 

 

Montluel

 

5

 

 

Nantua

 

39

 

Pont de Vaux

 

4

 

St Rambert

 

23

 

Trévoux

 

15

 

d'après la thèse de doctorat d'histoire de Jérôme Croyet, "sous le bonnet rouge", obtenue en 2003 à l'Université Lumière Lyon II mention bien et félicitation du président du jury

mis en ligne par l’association SEHRI

 

1 Etat des recherches de Martine Lapied sur les comités de surveillance dans le Sud Est de la France, tiré de son mémoire d'habilitation, 1997.

2VOVELLE (M.) : L'état de la France pendant la Révolution (1789-1799). Paris éditions de la Découverte, 1989, page 193.

3Décret de la Convention Nationale du 20 septembre 1793. Collection de l'auteur

4Arrêté du représentant du Peuple Gouly du 14 Nivôse an II. A.D. A in ancien 8L98.

5Le 16 Ventôse an II (6 Mars 1794) Albitte ressert déjà les liens entre lui et les agents nationaux en leur demandant de rendre compte toutes les décades de leurs actions mais aussi de celles des autorités à qui sont confiées l'exécution des lois, les comités de surveillance entre autres.

6" considérant combien les comités de surveillance crées par le Gouvernement Révolutionnaire influent sur le sort de la liberté et de l'égalité, qu'ils doivent concourir avec la plus grande force au triomphe des principes et à l'affermissement de la République s'ils sont bien composé, comme ils peuvent, dans le cas contraire contribuer de la manière la plus funeste à ébranler et à servir des projets désastreux.

Considérant en conséquence, l'importance des choix à faire pour la composition des dits comités et l'impossibilité absolue d'en organiser un dans chaque commune" arrêté d'Albitte du 25 Ventôse an II. Registre des Représentants du peuple en mission dans l'Ain, A.D. Ain ancien L98.

 

7Registre de délibérations du comité de surveillance de Gex. A.D. Ain 14 L 39.

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