1914-1918 : percevoir celui d'en face - l'allemand

L’ennemi, le barbare Huns, est un personnage complexe. Complexe, car il souffre comme le Poilu, mais compliqué car le Boche n’est pas le soldat d’un seul pays.

En effet, l’entité allemande est floue pour le Poilu de la République Française, à cause de la diversité des états allemands et le nombre de leurs armées : Prussiens, Bavarois, Saxons, Wurtembourgeois qu’un uniforme toutefois unifie et qui est coiffé jusqu’en 1916 du casque à pointe, le Pickelhaube, caractérisant sa silhouette. Pour simplifier cela, on utilise un mot datant de 1905, énergique, plus rude et moins usé que le Prusco de 1870, le Boche.

Tour à tour frère de misère et adversaire, le Boche est une entité qu’il faut humaniser pour le vaincre et déshumaniser pour se donner la volonté de l’abattre.

Le montrer harassé et vaincu témoigne de la puissance du poilu, le montrer valeureux et prisonnier met en scène la force du poilu. Le montrer c’est justifier sa présence et son combat aux yeux de l’arrière et de ses frères d’arme.

L’allemand, dépersonnalisé, est souvent un cochon : symbole d’une armée encore rurale qui prend ses repères dans sa culture qui humilie et dévalorise son adversaire.

Se parer des attributs du Boche, son casque, son drapeau c’est la caricaturer en l’imaginant mais, ramener des prises de guerre allemande c’est aussi prouver son courage aux autres.

La langue allemande est aussi dans le répertoire de l’Ennemi, du moins dans celui de l’Anti-français et des idées de la République. De fait, le parler français, pour les poilus, est un des moyen avec la nourriture, de jauger les territoires libérés et la qualité de leurs habitants1 : « les deux vieux parlent assez bien le français, mais les jeunes parlent tous le patois Alsaciens qui ressemble tout à fait à l’Allemand »2.

Jérôme Croyet

membre du GmT 713 

 

1 « Nous ne payons que le vin…mais c’est toujours de la cuisine (boche)…les enfants…parlent déjà très bien le français. Ils nous expliquent les mots ecrits en Allemands qui sont dans le café ». Journal de Joseph Suchet, 1er février 1915.

 

2 Journal de Joseph Suchet, 20 janvier 1915.

Écrire commentaire

Commentaires: 0