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1805 : massacre et expulsion des juifs d'Alger

"À partir de la conquête islamique, le sort des Juifs de toute l’Afrique du Nord, ressembla à celui des Juifs du Moyen-Orient : persécutés ou tolérés, courtisés dans les moments de grâce ou le plus souvent pourchassés, mais toujours humiliés, infériorisés, dhimmisés" rapporte le réalisateur Jean-Pierre Lledo

Cette lettre du général Verdier à Berthier permet d'éclairer cette situation. 

 

« Livourne le 18 messidor an XIII

 

Le général de division Verdier, commandant les troupes françaises en Etrurie

 

J’ai l’honneur de faire part à Votre Excellence d’un événement bien malheureux qui vient d’arriver à Alger dont l’influence se fera sentir dans cette place, par des nombreuses banqueroutes dans les meilleurs comptoirs de la Nation Hébraïque, et par la perte de toute espèce de commerce entre elle et la Régence sus-dite ; voici le rapport qui me parvient à l’instant :

François Duncovich, capitaine du Trabac, le sieur Antoine Autrichien, venant d’Alger en sept jours, dépose que vendredi, 28 juin, Bousnac, juif de religion et premier ministre de Deï, en retournant en son palais a été tué par un Truc1, qui l’a étendu à ses pieds d’un coup de pistolet et d’un coup de cangeard2 ; le 29 du-dit, toute la Nation Juive s’étant rassemblée pour rendre les honneurs funèbre à leur ministre, la populace et la garnison turque ont pris les armes et ce sont portés au quartier des juifs qu’ils ont pillé et massacré tout ce qu’il leur est tombé sous la main sans exception d’âge ni de sexe.

Cette insurrection a durée trois jours consécutif pendant lesquels tous les malheureux juifs qui étaient rencontrés ont été massacré sans pitié.

Enfin le gouvernement fatigué sans doute de la continuité de ce massacre, a voulu se mettre au milieu mais il n’a pas pû parvenir à faire poser les armes aux révoltés qu’en ordonnant la totale expulsion des états d’Alger de tout ce qui reste de cette malheureuse religion que l’on porte au nombre de 25 000 individus qu’on embarque sur tous les bâtiments qui se présentent pour les transports hors du territoire de la Régence, le dit capitaine qui fait ce rapport a été lui même forcé d’en prendre 150 qu’il a conduit ici où ils font quarantaine.

On porte à 400 le nombre de ceux qui ont péri et parmi ceux-là se trouvent 100 des plus riches familles de cette religion.

On donne pour motif de cette terrible catastrophe, le manque des vivres dont on accuse le ministre qui a été tué et la rapacité ordinaire des juifs.

Présument qu’il pourrait peut-être être utile à Votre Excellence de savoir ce qui se passe à Corfou, je joints à la présente extrait d’une lettre que je reçois de cette isle, elle m’est écrite par un jeune négociant septinsulaire que j’ai beaucoup connu à Livourne. Votre Excellence peut compter sur la véracité de ce rapport, la personne qui m’écrit nous étant fort attachée et ayant pris notre parti lorsque la France possédait cette isle ; elle est d’ailleurs fort instruite et d’une des premières maisons du pays.

 

Je prie d’agréer l’obéissance respectueuse avec laquelle j’ai l’honneur d’être, de votre excellence, le très humble serviteur

 

Verdier »

 

Ce massacre a des retentissement dans la presse française ; en effet, en 1805, le 25 juillet, le Journal de Lyon rapporte de ces massacres antisémites dans ce qui sera l’Algérie :"descente subite des montagnards à Alger ; prise de cette ville ; le Bey fait prisonnier ; massacre commis sur les chrétiens captifs, et sur les juifs établis dans cette capitale".

Une partie des juifs d’Alger partent à Oran3, rejoindre la communauté fondée en 1792 par le bey Mohamed el Kebir en 1792, avec "des Israélites de Mostaganem, de Mascara, de Nedroma et de Tlemcen. Il leur rendit à très bon marché un vaste emplacement, où ils édifièrent leurs demeures, et leur concéda, à titre gratuit, un terrain pour un cimetière"4 .

 

1En effet, l’Algérie (fondée en octobre 1839 par le Ministre de la Guerre) est colonisée par les Ottomans.

2Il s’agit de fait d’un kindjal.

3« les Coen Salmon, les Lévy Bram, les Abulker, les Témim. Tout ce monde, actif, intelligent, aventureux, se livra au commerce, et surtout au commerce d'exportation ». BLOCH (Isaac) : « les juifs d’Oran » in revue des Etudes Juives, 1886.

 

4BLOCH (Isaac) : « les juifs d’Oran » in revue des Etudes Juives, 1886.

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