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1793 : périls à Marseille

« Marseille, ce samedi soir

Mes chers amis

On dit ici à qui veut l’entendre que la contre-révolution c’est faite fin juin, j’ai même vu quelqu’un ce matin, qui tenait d’un arrivant de Nice, que, ceux qu’on veut pendre sont désignés ; cette liste de proscription me fait trembler.

Puisse le Ciel faire retomber sur leurs têtes tous les maux qu’ils désirent faire : les journaux aristocrates découragent tout le monde, les jacobins sont divisés, les troupes sont nu-pieds, sans habits, point de fourrage, etc…

J’ai, je vous assure, grande envie qu’ils viennent ici, ces émigrés qu’on désir tant : si nous n’étions pas si peu éloignés, je vous assure que je ferai des vœux pour leur arrivée. Il est impossible que je vous répète ce que j’entends tous les jours, mes bons amis.

Songez à vous, si cette canaille vient et qu’elle soit soutenue par celle d’ici, mon bon papa si vous saviez combien tout cela me chagrine, écrivez moi je vous prie, songez que votre fille est seule, absolument seule. Vous ne pouvez comprendre combien cet état est triste : mes bons amis, je n’ai que vous, mon fils, même n’est pas à moi.

Adieu, je ne veux pas y songer.

 

Ce lundi, 2e fête de Pentecôte

Le soupé qui survient m’oblige de finir et je n’est pas, ce matin, envie de recommencer : quoique je soit toujours du même avis. J’ai bien regretté que votre partie fut de ranger, j’ai passée la journée d’hier seule, Edouard était de garde, et j’étais un peu indisposée et aujourd’hui je vais faire un triste dîné : devinez.

J’envoie à Toinon un tablier pareil à celui de mama : je lui renvoi sa paire de bas qui m’avait fait espérer un moment, je la prie de m’écrire tout ce qu’il y a de nouveau, comment sont les plançons et les grains que j’avais semée.

Si vous pouvez vous procurez des plançons de melon, il est impossible d’en trouver ici.

Je connaissais de vue le joli monsieur, tu me diras ce que tu pense de son esprit qui n’est peut-être que du jargon.

Adieu, fais une bonne caresse à papa et à mama pour ta sœur

Fortunée [Cousinery née Gibelin]

 

La cotonne blanc est pour Thérèse

 

A monsieur Gibelin David au Verger »

 

La lettre est écrite par Angélique Fortunée Gibelin. Elle épouse Jean Marie Edouard Cousinery (né en 1757 à Marseille) en 1789. Elle met au monde, en 1796, Joseph Antoine Cousinery. En 1828, elle est une ayant-droit, réclamant, des biens dépossédés de Marc Antoine Alexandre Bermond, émigré sous la Révolution.

 

 

La lettre est adressé à Barthélémy Gibelin, dit Gibelin David, est né en 1747 à Aix. Avocat, il reprend l’imprimerie des David à la mort de son oncle, Antoine David en 1786. Alors que sont cousin Toussaint Bernard Emeric parcoure la France pour trouver des clients, Gibelin David fait tourner la boutique à Aix. De 17896 à 1794, il devient donc imprimeur. Il adhère à la Société des Amis de la Constitution puis aux Antipolitiques. Il est arrêté en juin 1794 par ordre du représentant du peuple Maignet comme auteur de "lettro d'un païsan prouvençaou a seis amis", imprimée en avril 1789, considérée comme "de nature à pervertir l'opinion publique et produire un mouvement en faveur de l'ancien régime". Libéré en novembre 1794, il se retire de la vie politique. Il se retire à sa campagne, au Verger, à Bouc, et devient agriculteur. En 1802, il devient juge de paix du canton de Gardanne. Il décède en 1831 à Bou Bel-Air.

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