mai 1816 : la conjuration de Grenoble

Alors que Louis XVIII est proclamé par le sénat, la résistance continue dans le département de l’Isère. L’adhésion au nouvel ordre des choses du préfet Fourier et du modéré Comte de Juigné permet d’apaiser la région. Au début 1816, la population iséroise se compose, à côté d’un petit groupe d’indifférents et de passifs, de deux factions irréconciliables, les bonapartistes et les ultras.

Jean-Paul Didier, avocat au parlement de Grenoble, antirévolutionnaire, s’installe à Paris où il réalise une fortune considérable. De retour en Dauphiné, il spécule et s’allie tantôt avec les uns ou les autres. Lorsque la seconde Restauration refuse ses services, Didier, qui s’était rendu suspect auprès de tous les régimes, les prend tous en haine d’autant plus que ses affaires périclitent. 

Repoussé par les divers régimes, aigri, Didier se sent acculé aux grands moyens. Divers séjours à Paris lui donnent l’occasion de rencontrer les principaux mécontents de la capitale, il participe à d’obscures intrigues. A la suite d’une réunion à Paris du 20 octobre 1815 du « Comité de l’Indépendance nationale », les conspirateurs décident de mettre su pied un vaste plan de conjuration. Conjurateur, Didier, se dirige vers Grenoble en s’arrêtant dans la Seine et Marne, le Loiret, le Cher, la Nièvre, l’Allier, le Puy-de-Dôme, le Cantal, la Haute-Loire, l’Ardèche, la Drome, les Hautes-Alpes, l’Ain, la Saône-et-Loire et l’Isère. Dans le Rhône, Didier désigne « M. Rosset… pour remplir l’emploi d’agent de l’indépendance nationale à Lyon ». Fin novembre, il arrive enfin à Grenoble et tente un coup de force à Lyon, qui échoue. Didier ne se décourage pas, le coup avait échoué à Lyon à la suite d’une trahison, il tenterait de nouveau l’expérience, la rébellion partira de Grenoble pour embraser toute la France. Recherché, il se réfugie à Bourgoin où il possède de nombreuses relations. A Grenoble, il ne trouve pas le soutien escompté et l’on se méfie de lui ; son inssurection, lancée début mai 1816 n’a aucun succès, elle est mâtée avec cruauté par le général Donnadieu et Didier est arrêté en Savoi . Le 9 juin, au terme de son procès, il est condamné à mort et exécuté le lendemain. 

 

 

Détails sur les événements arrivés à Grenoble

(extrait d’une lettre particulière imprimée chez L.P. Setier, cloître Saint-Benoit)

 

Vous vous informiez, mon ami, par votre dernière, ,si notre ville jouissait de la tranquillité, et vous disiez en même temps que l’on parlait beaucoup à Paris d’une entreprise criminelle, dirigée contre Grenoble ; oui, mon ami, le croiriez-vous, des êtres pervers et sanguinaires ont osé de nouveau former des projets insensés, détruits aussitôt. Eh ! que demandent-ils ces hommes plus que criminels ? que veulent-ils, du sang ! … du sang. L’idée seule de celui qui a été versé ne peut donc les effrayer ! Non, non, vingt cinq années de troubles, de maux et de souffrance ne leur suffisent pas, il leur faut encore des victimes ! que de tels monstres apprennent, une fois pour toute, que tous els amis de l’ordre social sont là, que cette brave garde nationale surtout, qui a rendu des services important à l’Etat, est entièrement dévouée au meilleur des Rois, et que la France enfin bénit sont Monarque et la paix dont elle jouie à l’ombre de son autorité paternelle et tutélaire ; on apprit dans différentes parties de notre département, que les soldats en retraite avaient corrompus des paysans de plusieurs communes, telles celles de Lamure et de Vizille.

Cette poignée de factieux voulait essayer un coup de main sur Grenoble ; les instigateurs de ce complot infernal avaient imaginé que les troupes qui formaient la garnison de notre ville étaient parties sous les ordres du général Donnadieu, pour occuper les endroits où S.A.R. la duchesse de Berry devait passer. Le 4 de ce moi, vers neuf heures du soir, les rebelles se montrèrent en nombre de 7 à 800 hommes, le général avait disposé, en avant de Grenoble, quelques détachements qui les repoussèrent vivement ; et ce que vous remarquerez sans doute avec plaisir, c’est que le grenadier qui a tiré le premier sur ces audacieux, aux cris de Vive le Roi, a suivi Bonaparte à l’île d’Elbe ; cette sortie leur valut 200 prisonniers ; cette agression déplorable par l’effusion du sang français, est le fruit des intrigues de quelques misérables qui ont trompé une multitude d’aveugle.

D’après les aveux de ceux des prisonniers mis entre les mains de la cour prévôtale, l’on tient les fils de cette trame odieuse, l’on sait que chacun de ces scélérats s’était partagé leur poste, soit à l’arsenal ou à la poudrière ; ils ont aussi déclaré que différentes maisons de notre ville étaient marquées avec de la craie de la lettre B, et d’autre de la lettre D. L’on sait enfin les nomes des principaux chef de cette folle entreprise, parmi lesquels figure au sieur Quillet, lieutenant d’artillerie, à la demi-solde, et un sieur Dédier, déjà connu pour son immoralité.

Je puis, mon ami, vous citer avec satisfaction et faire l’éloge du lieutenant-général Donnadieu, de mr le préfet, le comte de Montelivault, de mr le commissaire général de police, qui se sont conduits d’une manière énergique, et ont montré à ces téméraires que les véritables français veulent maintenir la paix jusqu’au péril de leur vie. La compagnie de grenadiers de la garde nationale a voulu partager le danger et l’honneur du combat, et a pris part à l’affaire avec la troupe de ligne ; et ce que je vous ferai encore remarquer, c’est que pas un des soldats de la légion n’a manqué à son devoir, quoi que les rebelles fussent leurs compatriotes. Je puis vous assurer que la tranquillité est parfaitement rétablie, et que cette malheureuse incursion est entièrement terminée, néanmoins des détachements de cavalerie et infanterie se portent dans le département pour s’assurer des coupables et occupent les communes où la sédition a éclatée. Au moment où je vous écris, nous apprenons que des hommes, non moins coupables que les brigands que nous venons de parler, ourdissaient à Paris des complots, dont le but était l’anarchie et le retour de l’exécrable régime de 1793. Mais la police toujours active veillait sur les moindres démarches de ces agitateurs ; nous savons que l’imprimeur d’une infâme proclamation, ainsi que le graveur des cartes qui servaient de ralliement aux méchants, ont été arrêtés que d’autres ont fait l’aveu de leur machination, et vont être livrés aux tribunaux qui en feront prompte justice.

J’espère, mon ami, que lors de l’instruction de cette affaire, vous nous en ferez connaître les détails ; pour moi, je termine cette lettre en vous assurant de nouveau que nous jouissons de la plus parfaite tranquillité, que nous n’avons qu’une même volonté, et que nous cesserons d’adresser au ciel des prières ferventes pour la conservation de notre auguste monarque et de son illustre famille.

Agréez …

D…B…

 

 

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