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1807 : la bataille d'Eylau

Le 6 février, la division Friant du corps de Davout, combat victorieusement les Russes à Heilsberg et les déloge de Hoff durant la nuit. Sous les ordres de Bennigsen et serrés de près par les troupes de Soult et les cavaliers de Murat, les Russes se replient sur Eylau. Malgré cette manoeuvre, les troupes russes et françaises s’affrontent. Durant la nuit, les escarmouches sont nombreuses. Le capitaine Claude Journet de Coligny, commandant une compagnie de grenadiers du 39e Régiment d'Infanterie de Ligne, repousse une attaque russe. Durant la journée du 7 des combats meurtriers opposent les Français aux Russes et se soldent par la prise du cimetière de Preussisch-Eylau par les troupes françaises. Durant toute cette journée, le chirurgien aide major Claude-Joseph Moizin de Bagé-le-Châtel fait des merveilles. Sans se soucier des balles et du danger, il soigne les Russes et les Français du 61e Régiment d'Infanterie de Ligne. Pris pour cible, son infirmier meurt à côté de lui, tandis qu’obnubilé par son devoir, il se retrouve à la tombée du jour, au milieu des lignes ennemies à la suite de la retraite du 61e Régiment d'Infanterie de Ligne. Alors que les feux des bivouacs ennemis brillent au-delà de la ville, Moizin continue à soigner les blessés, et ne revient au bivouac français que le 8 au matin. Sa conduite lui vaut alors les éloges de Davout. Les troupes se mettent en place, 79 000 russes et prussiens, appuyés par 400 canons vont affronter 60 000 français soutenus par 200 pièces d’artillerie.

Le 8 au matin l’action commence par une canonnade furieuse. Même si l’artillerie russe est alors plus nombreuse que la nôtre, Napoléon prend soin d’établir de minces lignes d’infanterie, où les coups portent peu tandis que ceux de l’artillerie française font de larges brèches dans les masses profondes de l’infanterie russe. Les villages de Rothenen et Preussich-Eylau sont en flammes. Au cimetière d’Eylau, les boulets tombent à côté de l’état-major impérial. Les combats entre les russes et les français sont sanglants. Bennigsen lance ses masses sur la gauche française tenue par Leval qui les reçoit, tandis que Davout débouche sur la gauche des russes et les refoule vers le centre. Le 61e Régiment d'Infanterie de Ligne, de la division Bisson, est de la partie et paye un lourd tribut à Mars. Le colonel du régiment est tué. Malgré tout, le 61e Régiment d'Infanterie de Ligne continue le combat. Sous l’aigle du régiment, Gabriel Foyacque de Meyriat, fusilier à la 7e compagnie du 2e bataillon et François Fion de Coligny, fusilier à la 6e compagnie du 2e bataillon, tombent sous les balles ennemies.

Napoléon donne alors l’ordre à Augereau d’attaquer et de percer au centre. Les divisions Heudelet et Desjardins avancent, la première ligne déployée et la seconde se forme en carré. Durant ces actions, le fusilier Thomas Renet de Bourg, de la 3e compagnie du 2e bataillon du 96e Régiment d'Infanterie de Ligne reçoit une balle à la jambe et s’écroule, blessé. C’est alors qu’une tempête de neige se lève et égare le 7e corps. Aveuglées par les bourrasques, les têtes de colonnes des deux divisions se trompent de direction. Les russes en profitent alors pour lancer leurs réserves de cavalerie et d’infanterie. Les têtes de colonnes françaises égarées butent sur une batterie russe de 72 pièces, qui les tirent à bout portant. Au milieu de la fournaise, le sous-lieutenant Pochet de Champagne, du 59e Régiment d'Infanterie de Ligne, combat, tandis que Louis-Marie Decroso de Pont d’Ain, chirurgien aide major, au 22e Régiment d'Infanterie Légère, soigne les innombrables blessés, dont Nicolas-Jacques Paradis de Vigny, de la 3e compagnie du 2e bataillon du 3e Régiment d'Infanterie de Ligne, sévèrement touché.

Averti du danger, Napoléon demande à Murat de rétablir l’équilibre à la tête de la réserve de cavalerie : « Nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là ? » lance l’Empereur à son beau-frère. C’est alors que s’élance la plus grande charge de cavalerie de tous les temps. Murat, habillé en tenue d’apparat, rassemble 80 escadrons, regroupant 7 à 8000 cavaliers, qui fondent sur l’ennemi. Les dragons de Grouchy, de Klein et de Milhaud, desquels fait partie François Barbe de Mérignat, du 8e régiment, partent les premiers, suivis des brigades légères de Colbert et de Bruyère, et des cuirassiers d’Hautpoul. C’est durant cette charge qu’Honoré de Balzac fait mourir son colonel Chabert qui raconte : « nous fendîmes en deux les trois lignes russes, qui, s’étant aussitôt reformées, nous obligèrent à les retraverser en sens contraire ». En fait, cette charge qui traverse deux lignes russes est la première pour Maximilien Goyffon de Nantua, carabinier à la 1ère compagnie du 1er régiment. Si le personnage de Balzac, colonel imaginaire d’un régiment de cuirassier tombe blessé à ce moment-là, le brigadier Antoine Michel de Pressiat, cuirassier au 11e régiment, lui, reçoit une balle à la poitrine, que sa cuirasse freine. Sans trop de dégât puisqu’il participera à Wagram. Le brigadier François Tarde de Pont-de-Veyle, écope d’une balle qui le renverse de son cheval dans les lignes russes. Capturé, il est emmené en captivité. De même, Pierre-Anthelme Degrange de Belley, cavalier au prestigieux 2e régiment de hussards, est capturé durant cette charge, qui freine l’avance russe. Entraînés par leur élan, ils ne s’arrêtent qu’au bois d’Anklappen où se trouve la réserve d’artillerie ennemie, qui tire sur les centaures de l’armée française. Mais la charge de la cavalerie de la Garde met les survivants russes en fuite.

La charge n’a pas démoralisé tous les russes et 4000 grenadiers se regroupent et avancent avec un courage extraordinaire sur le cimetière d’Eylau, où se tient Napoléon. L’Empereur, refusant de fuir, demande au général Dorsenne de se mettre devant lui avec un bataillon de grenadiers de la Garde. Impassibles, les vieilles moustaches attendent l’arrivée des russes sous leur aigle. « Grenadiers, l’arme au bras ! La Vieille Garde ne se bat qu’à la baïonnette » dit Dorsenne à ses hommes au moment de repousser l’adversaire. Pendant ce temps, au cimetière, les grenadiers à cheval de la Garde attendent, sabre en main, les ordres du colonel Lepic. Les russes, en colonne serrées, avancent sur les français. Des boulets éclatent dans les escadrons des grenadiers à cheval. Le grenadier à cheval Jean-Georges Caillot de Villebois entend ces boulets siffler au-dessus de son bonnet d’ourson. Certains de ses camarades baissent alors la tête sur l’encolure de leur monture. Aussitôt Lepic debout sur ses étriers crie : « Hé ! Là-bas ! Haut les têtes ! Les boulets c’est pas de la merde ! ». Brusquement, l’ordre de charger arrive. Impatients, les cavaliers s’élancent, mais Lepic les arrête. Il reforme les rangs, les contemple et tranquillement, commande la charge. Attaqués par les cavaliers, les grenadiers russes refluent en désordre. Mais pour confirmer la victoire française, il faut poursuivre l’adversaire et le détruire. Hors Napoléon n’a plus en réserve que la Garde qui peut lui être utile d’autant plus que le corps de Ney n’est toujours pas signalé. Sur la droite, Davout, soutenu par la division St Hilaire, occupe Kleinsausgarten et marche sur Anlkappen. Durant les combats, le colonel du 13e régiment de chasseurs à cheval, où servent Anthelme Ferrand d’Arandas, et le maréchal des logis Victor Dubreuil de Cerdon, reçoit une blessure au bras droit. Bennigsen songe alors à la retraite, mais l’arrivée du corps prussien de Lestocq, lui redonne espoir, d’autant plus que les renforts de Ney et de Bernadotte ne sont toujours pas là. Les prussiens sont envoyés contre Davout. Jean-Pierre Baillod de Songieu, chef de bataillon à l’état-major de St Hilaire reçoit une balle qui lui traverse le flanc droit.

L’arrivée de Lestocq prive l’Empereur d’une victoire. Si l’ennemi ne se retire pas, les armées françaises décrocheront à 22 heures, couvertes pas un écran de cavalerie. A 18 heures, l’arrivée de Ney entraîne la séparation des deux armées, rendant incertain le résultat des actions entre russes et français. Avec les carabiniers de la 1ère compagnie du 12e Régiment d'Infanterie Légère, Michel Bastienne de St Martin du Fresne, entre dans la danse. Mais les russes quittent le champ de bataille, laissant les français maîtres du terrain.

 

Les pertes françaises sont entre 1500 et 3000 tués (dont 8 généraux et 5 colonels) et entre 4300 et 7000 blessés. Parmi ceux-ci, Thomas Renet, évacué à l’hôpital de Thorn, où il décedera de sa blessure le 20 avril et Nicolas-Jacques Paradis, évacué sur l’hôpital de la caserne d’artillerie de Berlin, où les infirmiers lui laisse son habit-veste, son pantalon, ses guêtres, son manteau, son shako et son havresac, décedera le 9 août. Les pertes russes sont de 7000 tués et 5000 blessés.

 

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