1772 : un officier de cavalerie bien habillé à Grenoble

Voici trois lettres envoyées par mr de Montalban, officier au régiment d’Artois Cavalerie au sujet de sa garde robe à un marchand pelletier de Lyon.

Ce dernier est Antoine Vingtrinier est né en 1748. Il est marchand pelletier, quai Villeroy, à Lyon. Il épouse Marie-Sophie Montagnat, d’Ambérieu en Bugey, le 19 septembre 1774, qui lui donne le fief de la Barre en dot. Il est membre de la municipalité de Lyon en 1790. Il décède en 1802.

Cette correspondance renseigne, avec intérêt, sur le raffinement apportés par les officiers de cavalerie à leur garde robe, même dans une garnison de province. Elle permet aussi de comprendre la civilité d’une partie de la noblesse envers l’artisanat.

 

A Grenoble le 18 décembre 1771

Je désirerais savoir, monsieur, si vous me pouviez faire un manchon de renard blanc d’environ 36#. Vous en avez envoyez ici un à mr d’Herculais, de 18 francs, il faudrait en conséquence que le mien fut plus du double et de la taille à peu près des manchons de loup de moscovie. Mais je crains qu’il ne s’en porte pas d’aussi grand en cette qualité parce qu’ils sont peu d’usage et que le poil se détache aisément. Mandez moi donc votre avis là-dessus.

J’en achète un chez vous (en loup de Canada) il y a un mois avec mr de Sautereau mais ce n’est pas un manchon à pouvoir porter habillé.

Je pris aussi un vitchouras bleu, de chat d’Espagne dont je suis mécontent parce qu’il sent très mauvais et qu’il est pesant. Je ne l’ai mis que pour venir de Lyon en voiture. Faites moi savoir, je vous prie, combien vous me demanderiez pour me le troquer contre un de renard. Vous m’avez vendu le mien 2 louis.

J’ai vu ici chez un pelletier nommé Frank, un loup de Moscovie blanc que vous lui avez envoyé et qu’il vous a rendu. Dites moi à combien reviendrait ce manchon, où un autre en oursin de Moscovie, pareil à celui que vous avez vendu à mr le président Dupré[1] de cette ville, et le prix d’une fourrure en petit gris qui fut honnête. Mandez les moi au plus juste, je vous prie, je ne veux pas marchander un sol et j’espère que pour augmenter votre réputation dans le pays-cy, qui est déjà fort bien établie, vous me servirez bien et à bon compte.

Réponse sur le champ, je vous prie.

Je suis très parfaitement, monsieur, votre très humble et obéissant serviteur.

Montalban

A mr de Montalban, officier au régiment d’Artois Cavalerie à Grenoble

Je vous demanderai aussi le prix d’une fourrure blanche, je ne la veut pas magnifique mais seulement honnête.

 

Ayez la bonté, monsieur, de m’envoyez un vitchouras de renard du prix de 3 louis, ou 3 louis et demi, c’est pour un homme de 9 pieds 3 pouces, un peu gros. Il le faut couleur de feu. Vous le remettrez avec mon adresse au courrier de Grenoble. Ayez soin, je vous prie, qu’il soit le plus léger possible et le meilleur, pour le prix, comme c’est une commission, j’aimerai mieux que vous me servissiez quant je prendrai quelque chose pour moy, et que les personnes pour qui je vous écrit fussent contentes.

Si la couleur écarlate est trop chère, et que cela diminue de la beauté de la fourrure, envoyez là d’un camelot vert d’eau.

Je suis très parfaitement, monsieur, votre très humble serviteur.

Montalban

A mr de Montalban, officier au régiment d’Artois Cavalerie à l’arsenal à Grenoble

Ce 7 janvier 1772

 

J’ai reçu monsieur, le vitchouras[2] que vous m’avez envoyé. Je ne puis vous en faire passer l’ragent aujourd’huy, attendu que je viens de recevoir votre lettre dans le moment et que la poste ne me donne pas le temps de le remettre au courrier qui vous le portera au numéro ordinaire.

La personne pour qui était destinée le vitchouras la trouve un peu pesant. Je me doute bien que c’est à cause du prix. Peut-être se déterminera-t-elle d’ici à demain à vous le renvoyer en vous en demandant un de 4 louis. Je sais que cela ne vous gêne point et il n’en coutera que double pont à l’acheteur mais sitôt ma lettre venue, faites moi le plaisir de faire remettre à la diligence un manchon de renard blanc du prix de 18 #, en recommandant qu’on le fasse partir par le courrier qui porte mes paquets au compte de la diligence. Vous voudrez bien le choisir autant qu’il est possible pour le prix.

Je suis parfaitement, monsieur, votre très humble serviteur.

Montalban

Grenoble le 13 janvier 1772

 



[1] Il s’agit sans doute de Dupré, ancien directeur de la ferme.

[2] Vêtement garni de fourrure, que l'on mettait par-dessus ses habits pour se garantir du froid extérieur, et que l'on quittait dans l'appartement. En 1762, c’est une fourrure de loup.

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