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juin 1811 : état de la cavalerie légère du cors de l'Elbe

 

A son Excellence le duc de Feltre, ministre de la Guerre

Monseigneur

De retour de la mission que j’ai reçu, j’ai l’honneur d’en rendre compte à Votre Excellence ; elle trouvera cy-jointe des notes sur chacun des dépôts dont j’ai passé une revue de rigueur ; si j’eusse fait cette tournée un mois plus tard, les chevaux devant être livrés à la fin juin, j’aurai trouvé d’autres moyens, mais j’ai bien vu ce qui existe, et j’ai cherché à imprimer un mouvement nécessaire et vigoureux dans les dépôts assez mal composés en officiers et faibles en moyen.

Je vais avoir l’honneur de vous parler des vices que j’ai remarqué et de leurs causes, je dirai même un mot des moyens à employer pour les faire cesser.

 

Pour la cavalerie légère

L’espèce d’hommes n’est pas belle, ils sont en général trop petits, faibles et mal construits, je crois que l’avantage de mettre à cheval un homme bien fait et d’une certaine taille n’est pas assez senti[1] ; un cavalier est dans tous les pays un homme choisi ; le souverain qui lui confie un cheval et fait pour lui une avance de près de 1 000 francs doit calculer autant son intérêt que l’avantage qui résulte de la force physique d’un cavalier chargé d’un service important d’avant poste. J’ose avancer qu’un homme qui n’a pas 5 pieds 2 pouces n’est pas propre à faire un cavalier, l’homme au dessous de 5 pieds est mal sain ordinairement, arrêté dans sa croissance, est bossu ou à les épaules plates.

J’ai observé que les dépôts ont trop d’ouvriers, d’écrivains et d’hommes perdus pour la guerre ; ces hommes sont grands et forts, j’ai donné des ordres pour diminuer ce nombre, et pour n’employer généralement aux ateliers des régiments que j’ai vu, que les hommes de recrues les plus faibles et les moins propres à la guerre.

Mm les colonels ne se sont pas assez pénétrés de la nécessité de laisser quelques bons officiers et sous-officiers dans leurs dépôts, ils ont leurs instructeurs à cheval aux escadrons de guerre, j’ai trouvé au contraire dans les dépôts de jeunes officiers nommés depuis un an, ils n’y rendent que peu ou point de services et aux escadrons, ils se formeraient plus promptement. Les régiments ayant reçu des chevaux aux escadrons de guerre, les colonels ont quelques objections à faire sur ce point, cependant j’ai répondu à tous, et j’ai donné des notes à ce sujet. Les dépôts sont tous dans le même sont tous dans le même cas, mais un mot de votre Excellence peut faire cesser cet état qui va très loin surtout en temps de guerre.

Pour que les dépôts remplissent les ordres que Votre Excellence leur donne par l’organe des officiers généraux, il faut souvent qu’ils aillent au-delà des intentions du Ministre Directeur, et comme tous les marchés qu’ils passent ont besoin d’être revêtus de son approbation, il faudrait qu’on les leur renvoyât promptement ; il faudrait aussi pour qu’ils fussent en mesure sur tous les points qu’on leur expédia, à des époques fixes la buffleterie et les armes dont ils ont besoin.

J’ai remarqué que les régiments de chasseurs ont des habits de différentes formes, les uns fort courts, d’autres beaucoup plus longs, d’autres boutonnés droits (dits à la Kinski), d’autres à petits revers ; les uns ont la culotte hongroise simple, d’autres la garnissent de basane, d’autres ont le pantalon garni ; s’il m’est permis de donner mon avis, j’avouerai que les pantalons méritent bien la préférence, soit en paix, soit en guerre.

Le fournisseur Levaillant présente des chevaux assez communs. je l’ai vu à Strasbourg, je l’ai engagé à mieux faire, surtout à regarder comme de rigueur les époques données pour les livraisons. Cet homme a de grandes livraisons en Allemagne et peut dans un moment pressant livrer beaucoup de chevaux et se rendre très utile.

J’ai trouvé peu de moyens et tel dépôt plus avancé que tel autre ; mais j’ai cherché à donner la même activité à tous. J’ai laissé des notes pour hâter la rentrée des chevaux, pour presser les confections, j’ai formé deux et trois classes de tous les hommes, afin que successivement ils puissent partir aux époques que j’ai fixées. Je m’estime fort heureux, Monseigneur, si ce travail a votre approbation, s’il peut être utile au service de Sa Majesté et vous prouver le zèle et le respect avec lequel j’ai l’honneur d’être, Monseigneur, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur

Le général de brigade baron Burthe

Paris, ce 19 juin 1811

 



[1] Napoléon, qui n’est pas un cavalier, juge « la taille tout à fait inutile », voir « nuisible » pour les hussards. En 1805, la taille requise pour devenir un hussard est de 1m 54. Avec le décret du 21 avril 1807, la taille maximum est fixée à 1m 65, la taille minimum de 1m 59 ; elle passe même à 1m 48 en 1811. Toutefois, dès le Directoire, les colonels de cavalerie légère refusent d’intégrer des petits et les renvoient dans l’infanterie légère. Pour le corps de l'Elbe en 1811, voir Napoléon 1er n°65

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