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an II : les propos du hussard Rouÿ

 

AFFAIRE ROUΫ1

 

13 jour du 2e mois de l’an II

[Il est ordonné au citoyen Montagny officier de gendarmerie de se rendre à Aiguebelle district de St Jean afin de convoquer les témoins de l’affaire Rouÿ qui doivent être entendus, le lendemain 14, à Chambéry par les représentants du peuple].

Le citoyen Montagny […] ne donnera suite à l’ordre dont il est porteur, qu’après avoir vérifié être parfaitement sur que le nommé Rouÿ officier d’hussard en détachement à Aiguebelle mandé à Chambéry par un ordre particulier avec un détachement de six hussards est parti d’Aiguebelle […]. [Après avoir signifié son ordre de mission aux témoins – voir ci-dessus] il gardera et recommandera au maire de la commune le secret le plus entier sur tout ce qui a rapport à cette mission.

Signé Simond et Dumaz

 

Interrogatoire du citoyen Bournat garde magazin d’Aiguebelle.

Interrogé sur ce qu’il scait de l’interrogatoire de Rouy. A déclaré n’avoir aucune connaissance des faits sur lesquels il a été interrogé. Seulement qu’il l’avoit entendu plaisanter les gardes nationales de l’Izère en réquisition disant que les officiers étoient des lourdaux et l’un d’eux un muscadin.

Signé Bournat

 

Interrogé sur ce qu’il2 scait de l’incivisme de Rhouÿ

Répond j’ai entendu Rouÿ officier d’hussards dire que la convention nationale rendoit des décrets plutôt faits pour perdre la république que pour la sauver, qu’il lui a dit à lui déposant que s’il n’avoit pas de cocarde à son chapeau il n’y auroit pas de jean-foutre foutre pour la lui faire mettre ; que les officiers de volontaires étoient des merdeux et que c’étoit bien douloureux pour lui en s’en retournant chez lui de voir un paysan porter comme lui une épaulette.

Signé Duhail lieutenant

 

Interrogatoire de Charlotte Brunier d’Aiguebelle

Interrogée sur ce qu’elle scait de l’incivisme de Rouÿ

Répond qu’elle a entendu Rouÿ dire que s’étoit les pauvres qui s’étoient battus à Lyon et non pas les riches, qu’ils se battoit pour celui qui les payoit ; Interrogé s’il elle a entendu Rouï dire qu’il se battoit pour la nation parcequ’elle le payoit, mais il n’aimoit pas la France république, qu’il regrettoit la royauté, et qu’il ne craignoit pas de l’avouer. Répond qu’elle luy a entendu dire souvent l’équivalent de cette demande, mais pas précisément dans les mêmes termes, et qu’il avoit dit quand on ordonnois que [biffé : les gros négociants] les maisons des gros négociants fussent démolies, qu’on avoit tord, que c’étoient les Français qui avoient fait la guerre et non les riches.

Signé Brunier

 

Interrogatoire de Xavier(e) Brunier d’Aiguebelle

Interrogée sur ce qu’elle scait de l’incivisme de Rouÿ

Répond qu’elle luy avoit entendu regretter la destruction des belles maisons de Lyon qu’on vouloit tout mettre à la républicaine et qu’on feroit bien mieux de les vendre et autre ne scait et a signé.

Interrogatoire de Charlotte Seige veuve Coupon d’Aiguebelle.

[même question que précédemment]. Répond qu’elle luy a entendu plaisanter la Garde nationale et nottament placé à la porte du commandant.

Signé Seyge Couppon

 

Interrogatoire de Caesar Brunier

[même question], s’il ne luy avoit pas entendu dire que la convention nationale avoit eu tord [de démolir] les maisons des riches, etc. Répond j’ai entendu dire à Rouÿ que la convention nationale avoit eu tord de faire démolir les maisons des riches de Lyon, que s’étoient les sans culotes qui faisoient la guerre, et s’étoient eux qui faisoient la guerre et que s’étoient eux qu’il falloit anéantir, que s’il n’avoit pas de cocarde, il n’y auroit personne capable de la lui faire mettre, et s’est mocqué des Gardes nationales en réquisition et nottament des officiers, qu’il étoit valet de la nation, que lui déposant lui répliquat qu’on pouvoit être le valet d’un roi, mais qu’on n’étoit pas le valet de la nation en se servant soy même.

Signé Caesar Brunier

 

Interrogatoire de Pointet

[même question] Répond qu’il lui a entendu dire à Rouÿ que la convention nationale étoit un tas de gueux d’avoir décrété la démolition des maisons des riches de Lyon, que s’étoient les sans culotes qui faisoient la guerre, et qu’on devoit les annéantir, que si la convention nationale existoit encore un an ou deux, il ne resteroit pas dans la république pierre sur pierre, qu’il se battoit pour la nation, moit pas la république, qu’il regrettoit la royauté, et qu’il ne craignoit pas de l’avouer, et qu’il espéroit dans une année de venir général et [aciés ?] la guilottine, qu’il seroit à qui le payer, que s’il n’avoit pas de cocarde, il n’y auroit pas un jean foutre capable de la lui faire mettre, et a signé.

Signé Pointet

 

Les citoyens qui ont déposé ci contre et ci-dessus ont déclaré les uns qu’ils le croyoient fou et les autres presque toujours yvre. Le tout déposé en présence du citoyen Simond représentant du peuple français à l’armée des Alpes et de moi soussignés.

Signé Villard comandant du Bataillon révolutionnaire du Mont Blanc

1 A.D. Savoie. Série L. : Add. 4 Registre des arrêtés et correspondances des représentants du peuple Simond et Dumaz

 

2 le nom du déposant a été omis au début, mais ses propos et sa signature désignent peut-être un officier du bataillon de l’Ière.

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