Le XVIIIe siècle, est un âge d'or pour le portrait. Si les rois, empereurs et grands du monde commandent le leur, l’individu aussi peu se faire représenter, dans une approche plus psychologique avec intimité et sensibilité. Il rapproche les éloignés et rend compte du temps présent : « sitôt l’on m’a incorporé dans la Garde. L’on m’a habillé de suite comme vous voyez le portrait. Voyez comme notre habillement est assez gentil »[1] écrit Michel Souchez du 6e régiment de tirailleurs-grenadiers de la Garde de Courbevoie le 30 mars 1812.
A côté de la peinture, la mode du portrait au pastel connaît un essor sans précédent. Celui-ci ne traite souvent que la tête du modèle qui, quelle que soit sa condition sociale, est toujours représentée de façon expressive et détaillée.
Ce portrait est plus psychologique : les accessoires y sont négligés au profit de la tête du modèle. En effet, l’intérêt grandissant pour la compréhension des sentiments humains engendre des artistes soucieux de la physionomie des émotions de leurs modèles. Offrir son portrait doit alors satisfaire le besoin intime de la personne qui le reçoit car il symbolise la personne aimée et sert de substrat à la nourriture affective : « Il ne me reste donc plus, très chère et bonne maman, d’après les promesses que vous me faites, de me faire passer votre portrait, ainsi que celui de mon cher papa, de vous témoigner combien je suis impatient de les recevoir. La seule grâce que je vous demande, c’est de vous prier d’en diligenter l’envoi car rien au monde ne peut me faire plus de plaisir et croyez que puisque je suis privé du bonheur de vous voir, ce sera une consolation pour moi de vous posséder en peinture. Croyez aussi très chère et bonne maman que c’est avec la plus grande impatience que j’attends le moment qui me procura l’occasion de vous rendre le réciproque et que jusqu’à ce moment, il n’a nullement dépendu de moi de me donner la satisfaction de vous envoyer mon portrait. Mais que vous pouvez compter sur ma diligence à en saisir l’occasion sitôt qu’elle se présentera ».
Rares sont les hommes de troupe capables de financer un portrait destiné à la famille. Ces derniers sont réservés aux officiers, voir des sous-officiers ou à des hommes d’élite. Le portrait a différente fonction : perpétuer le souvenir d’une personne et créer une image historique du commanditaire ; le portrait a fonction immédiate de représentativité. Dès lors, il ne traite souvent que la tête du modèle qui est toujours représentée de façon expressive et fouillée.
Les hommes font appel à des portraitistes qu'ils trouvent dans leur lieu de casernement. Si les officiers ont à faire à des miniaturistes parfois de renom, les hommes de troupe se contentent d'aquarellistes Si ce dernier se trouve plusieurs clients du même régiment, comme le 1er régiment de carabiniers vers 1809 avec les portraits de Claude François Chérient, Pierre Bousquet, Jean Louis Tison et Emilien Goyffon ou au 59e de ligne vers 1811 avec ceux du caporal Rémy, de François Dupré et Louis Julien, où l'artiste semble garder une trame à laquelle il change le visage.
Le genre du portrait, dans quelque art que ce soit, témoigne d’un intérêt pour l’individuel ; ce n’est pas seulement l’être humain en général, ou tel type de toute une espèce, que rend le portraitiste ; c’est telle personne en tant qu’elle est elle-même ; « ce serait un grand et superbe cadeau que de m’envoyer le portrait de votre fils, j’ai toujours aimé son père »[2] écrit mme de Bourbel Pascalis à son neveu, à Neufchâtel en Braye, le 18 mai 1803.
[1] Lettre de Michel Souchez du 6e régiment de tirailleurs-grenadiers de la Garde, Courbevoie, 30 mars 1812, cité par CHARRIE (Michel) : Lettres de guerres 1792 – 1815. Editions du canonnier.
[2] Lettre de mme Bourbel-Pascalis à son neveu, La Sauvetat du Drot, 18 mai 1803. Collection de l’auteur.
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