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l'abordage : la technique du Redoutable

Rapport du capitaine de vaisseau Lucas, officier de la Légion d’honneur, sur le combat et la perte du vaisseau le Redoutable qu’il commandait à l’affaire du 29 vendémiaire an XIV

 

Je n’entreprendrai point, par ce rapport, de démontrer les manœuvres des deux armées à l’instant où elles se sont rencontrées, ni même celles qui ont eu lieu pendant le combat. Je me bornerai seulement à rapporter tout ce qui est relatif à la position du vaisseau le Redoutable et au combat qu’il a soutenu, tant au canon qu’à l’abordage contre le vaisseau le Victory, de 110, monté par l’amiral Nelson ; le téméraire aussi de 110 et un troisième vaisseau à deux batteries dont j’ignore précisément la force ; d’ailleurs le combat commence, je ne pouvais apercevoir que les vaisseaux qui m’avoisinaient et je ne citerai de leurs manœuvres que ce que j’ai parfaitement vu.

Je rappellerai ici plusieurs petites circonstances qui ont eu lieu à bord pendant l’affaire, parce qu’elles doivent servir à faire connaître le degré de valeur et d’intrépidité des braves, état-major et équipage, à qui j’avais l’honneur de commander. Je crois qu’il ne sera pas inutile de faire connaître quelques unes des principales dispositions qui avaient été prises pour le combat et du degré d’instruction de l’équipage, surtout dans les exercices d’abordage. Cela prouvera jusqu’à quel point nous pouvons compter sur cette manière de combattre qui nous assure toujours la victoire, toutes les fois qu’on l’entreprendra avec un équipage bien exercé.

Depuis que le Redoutable a été armé, rien n’avait été négligé à bord pour instruire l’équipage à toute espèce d’exercice ; mes idées s’étaient toujours tournées sur le combat d’abordage. Je comptais tellement sur son succès que tout ce qui a été mit en usage pour l’entreprendre avec avantage, j’avais fait faire pour tout les chefs de pièces des gibernes en toile pour contenir deux grenades, les baudriers de ces gibernes portaient un tube de fer blanc contenant une petite mèche. Dans tous nos exercices je faisais lancer une grande quantité de grenades de carton, et je menais souvent les grenadiers à terre pour éclater devant eux des grenades de fer, ils avaient si bien acquis l’habitude de les jeter que le jour du combat, nos gabiers en lançaient deux à la fois ; j’avais à bord cent mousquetons portant une longue baïonnette, les hommes a qui ils étaient destinés étaient tellement exercés à s’en servir qu’ils montaient jusqu’au milieu des haubans pour faire feu de mousqueterie ; tous les hommes portant des sabres apprenaient tous les jours à espadonner et le pistolet leur était devenu une arme très familière. Les grappins d’abordage se lançaient à bord avec une telle force et adresse que nous pouvions parvenir à crocher un vaisseau qui n’eut pas été précisément à nous toucher.

Dans les branles bas de combat, chacun se rendaient à son poste avec les armes chargées, il les plaçait aux environs de leur pièce à des tresses coulées entre chaque barrat.

 

Enfin l’équipage avait lui-même une telle confiance dans cette manière de combattre qu’il m’engageait souvent à aborder le premier vaisseau auquel nous aurions à faire.

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