Franc-maçon, homme des lumières reconnu grâce à sa collaboration à l’œuvre exceptionnelle et révolutionnaire de Diderot et d’Alembert, ami de Voltaire et admirateur de Rousseau, Lalande ne peut pas rester sans émoi face à la Révolution Française. Toutefois sans conduite officielle et parisienne n’est pas la même que sa conduite bressane et d’une manière générale sa conduite révolutionnaire n’est pas linéaire, elle suit les aléas des événements et les convictions de cet homme libre.
1/ Lalande : l’homme des Lumières et les prémices de la Révolution.
C’est en Bresse et à Bourg en particulier qu’il voit se jouer les premiers actes de la Révolution. D’abord acteur, il laisse sa place, au fil du temps pour devenir spectateur alors qu’à Paris, s’il ne se montre pas acteur politique des événements, il tient à œuvrer et pas qu’à contempler.
C’est en 1787 et en 1788, avec l’affaire du Grand Bailliage de Bourg, que ce joue le 1er acte de la Révolution dans les pays du futur département de l’Ain. Cette affaire mettant en jeu une nouvelle idée de la justice bouleverse le futur département et élève une vague de mécontentement populaire vis-à-vis de l’immobilisme du Parlement de Dijon et de la noblesse. Lalande suit ces remous politiques et les joutes imprimées de Gauthier-des-Orcières avec soins. Toutefois, la vigueur des propos des jeunes loups du barreau de Bourg, le pousse à se méfier de l’inexpérience de cette jeunesse bressane qui se jette dans la débat politique. Si il lui reproche son irrespect des anciens et d’une manière générale des choses établies, c’est sans doute son manque de diplomatie qu’il regrette le plus. Cette prudence de Lalande va presque même jusqu’à lui faire reprocher l’incompétence, non pas professionnelle mais des affaires, de ces jeunes magistrats bressans que sont Gauthier des Orcières ou Duhamel voir sans doute même Riboud[1] dont il sent l’opportunisme quand à l’affaire du présidial qu’il suit toutefois avec intérêt. A Grenoble, ces troubles provoquent la Journée des Tuiles.
Toutefois, l’homme des Lumières ne reste pas que sur son fauteuil, et bien que noble, il accepte de présenter à Paris la Requête du Tiers-Etat de Bourg, en compagnie de Valentin-Duplantier, le 10 décembre 1788.
En effet, avec la nouvelle de la convocation prochaine des Etats Généraux, la volonté politique du Tiers Etat de voir sa représentation doublée face à la noblesse et au clergé[2], se solidarise avec les plaintes des officiers du Grand Bailliage de Bresse dans une lutte les opposant globalement à la réaction nobiliaire et parlementaire dont Dijon est désignée comme la cible. Ces revendications, imprimées, sont envoyées aux trois cent douze communautés de Bresse, et le 7 décembre, plus d’une centaine d’entre elles réunies aux corps, compagnies et juridictions de Bourg, approuvent la requête. Lalande est alors la figure de proue du patriotisme burgien à Paris.
Il doit rencontrer Necker début janvier 1789 et lui présenter la requête du Tiers-Etat de la ville. Mais malgré les accointances dont il peut disposer à Versailles et celles tout aussi puissantes de Valentin-Duplantier auprès de Marie-Antoinette, Lalande et Valentin-Duplantier sont assez mal accueillis et les doléances dont ils sont porteurs sont amalgamées à celles venant de la province, au profit des Parlements. Toutefois, l’action du Tiers-Etat jette dans la région, à Chalon et Dijon, les germes de la départementalisation.
Face à ce qui considère comme une injustice, l’Humaniste qu’est Lalande ne peut rester sans bouger et rejoint le cortège de ses jeunes magistrats du bailliage dont il se défie du manque de tact : pour aider l’émulation des choses, et faire valoir la justice des représentations de Bresse, il fait insérer le discours de Valentin-Duplantier à Necker dans la Gazette de Leide.
Acteur de cette vie politique naissante, dont le petit peuple reste toutefois éloigné, il regarde et prend note, avec le recul du philosophe mais avec le respect de l’humaniste, de l’acte du comte de Montrevel contre les privilèges de la noblesse du 5 mars 1789. Il ne le critique pas mais n’encourage pas bien qu’idéologiquement et moralement il l’approuve. Mais, sage, sans doute trouve-t-il cet acte de renonciation un peu rapide.
Au milieu de cette tourmente c’est en philosophe que les élections aux Etats-Généraux le fascine bien qu’il dénonce l’esprit de parti qui les agite.
Si les événements ne le laissent pas de marbre, il continue néanmoins à garder ouvert ses centres d’intérêts scientifiques et culturels, ainsi dès janvier 1789, Lalande se prend d’un grand intérêt pour la découverte de monnaies et de médailles romaines à Brou qui l’amène à se montrer très critique vis-à-vis des théories, qu’il juge là aussi enthousiastes, sur le premier peuplement de Brou par Thomas Riboud.
Alors que les députés aux Etats-Généraux vont à Paris, la Révolution « le trouve tout naturellement plutôt bien disposé à l’égard des idées nouvelles »[3], lui qui est naturellement intéressé par la chose publique.
à suivre ...
[1] Lalande se montre critique de la nomination de Riboud, qu’il dit soutenu par l’hôtel de Condé, à la tête de la subdélégation contre Perrin, soutenu par Amelot.
[2] “Si l’on décide que par l’étendue de la population, le Tiers Ordre devrait avoir les dix neuvième des représentants aux Etats Généraux...on ne peut plus lui contester la moitié des représentants”. Requête du Tiers Etat de la ville de Bourg. Collection de l'auteur.
[3] PECKER Jean Claude : « l’œuvre scientifique de Lalande » in Jérôme Lalande, Les Nouvelles Annales de l’Ain, 1982.
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