chasser le loup et l'ours au XVIIIe siècle

 

Les XVIIIe et XIXe siècles, outre une expansion économique et industrielle, sont marqués par la volonté de l'homme de modeler la nature à ses désirs.

En effet, malgré les guerres et les mouvements migratoires dans l'Ain, le taux de natalité de 1801 est meilleur qu’en 1789 bien que le Pays de Gex soit démembré du département. La population départementale passe, de 1789 à 1801, de 281 913 habitants à 283 868 habitants. Au niveau des arrondissements, les circonscriptions de Bourg et Belley voient leur population augmenter, alors que celle de Trévoux et Nantua régressent. Les causes de ce recul démographique ne sont pas à chercher dans la proscription, la guerre ou le renouveau des liens sociaux. Les raisons sont géographiques, climatiques et professionnelles : dureté du climat en Dombes et émigration de la main d’œuvre ouvrière en Haut Bugey. En France, une forte augmentation de la population est surtout observée à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle : on passe de 21 millions d'habitants au début du siècle, à 28 millions en 1790, avec une croissance de la population de 30% pour le siècle. A ce facteur démographique, se joint un facteur technologique non négligeable notamment en matière agricole où la Société d'Emulation de Bourg s'est spécialisée depuis 1755. A coté de ces nouvelles technologies agraires, la proto industrie prend de l'ampleur dans le Bugey à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec l'exploitation des forêts et des cours d'eau.

De ces faits, la surface agricole augmente restreint les terres sauvages du département et leurs habitants. Ce recul entraîne une confrontation inévitable entre l'homme colonisateur de terres vierges et les animaux, notamment les ours et les loups, habitants des zones montagneuses et forestières du département, ce qui entraîne des pertes de part et d'autres. Les loups et les ours s'attaquent plus facilement à l'homme et ses "avatars" : chiens, moutons, brebis, vaches. Ces attaques entraînent une réaction humaine de défense. La peur et l'incompréhension, liées à la haine de celui qui attaque les biens, personnifient ces animaux dans le panthéon des horreurs. L'ours des cavernes de Corveissait, Bohas et Thoirette, devient le 12 prairial an X, l'ours "monstrueux et dévastateur". Les loups deviennent des fantômes de l'Ancien-Régime. Outre la peur générée par leur simple vue, comme à Neyrieux en l'an IV ou à Confrançon en 1807, les habitants de St Germain de Joux, en 1808, justifient la chasse aux loups car "les passants ont toujours été obligés de leur céder le pas" [1], tels les vilains devant le seigneur. La justification de la chasse par les attaques commises sur les bêtes de l'homme est la cause de 3 chasses individuelles qui sont organisées sur 65 recensées dans les Archives de l'Ain, de l'an IV à 1808.

 

Si trois périodes sont à distinguer dans la chasse aux loups et aux ours, la période d’Ancien-régime, l’ère révolutionnaire et le XIXe siècle et ses règles, il convient dans l'Ain d'étudier plutôt les chasses aux loups et aux ours suivant leurs modes : aristocratiques en meutes sous l'Ancien-Régime, individuelles sous la Révolution et en battues réglementées à partir du 1er Empire.

 

Jérôme Croyet, docteur en Histoire

Régisseur des collections au Musée de l’Empéri


[1] Certificat du maire de St Germain de Joux. A.D. Ain 4M 50.

Écrire commentaire

Commentaires: 0