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les Cents Jours de Murat, suite

Dans la nuit, les renforts pour Murat sont importants ; la division Lecchi arrive à Macerata le 2 au soir  et se dirige vers le roi sans attendre,  le 3 au matin une brigade de Carascosa les rejoint. Les napolitains regroupaient le second jour de la bataille, 26500 hommes dont 3500 de cavalerie et 35 bouches à feu. Les autrichiens disposaient seulement de 10000 hommes, 860 chevaux et 28 pièces d’artillerie. Avec ces forces supérieures Murat espérait vaincre toutes les résistances autrichiennes. Son armée devait renouveler l’attaque sur trois colonnes. La première sous les ordres du roi (la Garde et une brigade de la 1ère division) devait s’emparer du hameau d’Arancia et du pont permettant de déboucher sur la route de Tolentino, ce mouvement était destiné à attirer à lui les réserves ennemies. La seconde, composée d’une brigade de la division Lecchi devait s’avancer par la rive droite du Chienti sur Vomacio, en déloger les autrichiens et se porter sur Tolentino après avoir tourné la droite de Bianchi. La troisième colonne, la division d’Ambrosio ( commandée par d’Aquino) devait attendre le résultat des deux autres attaques et ne prendre part au combat qu’après que les autrichiens se seraient affaiblis pour soutenir la défense d’Arancia. Le général Starhemberg se rendant compte du mouvement du gros des napolitain sur Arancia , fit évacuer ses avants postes afin de leur éviter d’être écraser. Il fit couvrir ce mouvement par deux batteries derrière le ravin de Cassonne qui coupait la plaine en deux devant les hauteurs de Madia. Au centre, la colonne commandée par Pignatelli-Strongoli s’avançait ver Canto-Gallo qui faisait face aux pentes qui menaient à Cassone. Murat se rendit ne personne auprès de cette colonne, avec de la cavalerie et surtout deux batteries d’artillerie à cheval. Il posta une de ces batteries près de Canto-Gallo pour diriger son feu contre les tirailleurs autrichiens, qui entretenaient une très vive fusillade près des fonds marécageux du village de Vedova qui marquait la droite de la ligne napolitaine. La seconde batterie devait canonner Cassone , pour en éloigner les autrichiens et les forcer à abandonner le ravin et le bois qui couvraient le village. Le feu de l’artillerie et la vue des colonnes napolitaines firent sortir les chasseurs autrichiens de Vedova, ils se replièrent sans être inquiétés sur la position principale de Bianchi. Le village fut alors occupé par un bataillon du 2ème de ligne napolitain. Murat se décida à s’emparer de Cassone en faisant donner sa garde à pied. Les grenadiers s’avancèrent sans faire le coup de feu et repoussèrent après un combat au corps à corps les détachements autrichiens laissés dans le village pour retarder l’avance napolitaine. Mais au-delà du village, toutes les tentatives de passage du ravin qui couvrait la position de Cormagio échouèrent. Les napolitains tentèrent alors de suivre la rive est du ravin vers Madia, mais les autrichiens déployés sur les pentes les accablèrent d’un feu efficace de mousqueterie et ces tentatives furent vaines. Au nord du champ de bataille, un bataillon du 2ème de ligne napolitain, isolé mais couvert de nombreux tirailleurs s’avançait sur la route de Madia en sortant de Vedova. Ce mouvement hardi n’échappa pas à Bianchi qui détacha le régiment de Chasteler appuyé de deux escadrons pour contrer les napolitains. L’infanterie autrichienne marcha : « en colonne d’attaque, au son de la musique ».  Le bataillon napolitain se forma en carré  en voyant s’enfuir les tirailleurs à toutes jambes devant quelques dizaines de dragons du régiment de Toscane. Ces derniers chargèrent le carré sans hésiter un instant et le dispersèrent avant qu’il ait pu tirer. Murat qui s’était avancé sur les hauteurs de Cato Gallo donna l’ordre à sa cavalerie de rejeter les dragons sur leur ligne mais les cavaliers  napolitains s’aventurèrent dans un fond marécageux, dans lequel ils s’embourbèrent. Les autrichiens profitèrent du désordre de ces mouvements pour rentrer paisiblement dans les lignes de Madia. Ils adoptèrent un déploiement digne de Wellington, quelques tirailleurs en avant sur la pente, un bataillon de Chasteler déployé en ligne sur la crête, seul visible,  avec sur son flanc les escadrons des dragons de Toscane puis à contre pente deux bataillons déployés en ligne.

L’aile gauche napolitaine qui devait tourner les autrichiens par la rive sud du Chienti musarda, en multipliant les détachements de compagnies, qui vers la rivière, qui vers les hauteurs. Les autrichiens n’eurent aucun mal à rester concentrés vers Vomaccio et à repousser toutes les molles attaques des  compagnies napolitaines. Le bataillon d’italiens de Modène se distingua dans ces combats aux côtés d’un bataillon du régiment de Hiller. Vers 12h, déboucha des bois une forte colonne napolitaine devant le village de Gallieso, au centre du dispositif autrichien. C’est à ce moment que peut s’expliquer une des énigmes tactiques de la bataille : les 8 à 9000 soldats napolitains aux ordres du général d’Aquino remplaçant Ambrosio blessé,  se déployèrent en quatre grands carrés qui se suivaient en échelons. Ce déploiement était totalement absurde pour s’emparer de vive force des hauteurs de Madia. Cependant, les raisons de cette faute sont difficilement explicables : le témoin autrichien avance l’idée que le général d’Aquino avait vu la déroute du carré de bataillon devant Vedova et en étant intimidé, avait voulu se protéger d’une charge de cavalerie.  Ce déploiement surprenant, dans la plaine au vu et au su de Bianchi, lui laissa le temps de prendre les décisions les plus appropriées. Le général Pépé reçut des témoignages qui indiquaient que l’attaque des carrés se fit sur « un terrain boisé et inégal » et que les quatre compagnies de voltigeurs, couvrant les carrés,  furent envoyées sur la plaine où elles furent détruites au complet par la cavalerie autrichienne.

 

Cette attaque était bien pensée, en effet, si les carrés  napolitains repoussaient la défense des hauteurs de Madia, la retraite autrichienne,  devenait alors  inévitable. Dès le 2 mai, Bianchi avait fait venir, au prix d’efforts surhumains de l’artillerie sur la position de Madia. Celle –ci aux ordres du capitaine Kunerth n’avait pas encore donné, restant à contre pente, à l’abri des coups et de l’observation. Le témoin anonyme rapporte : « les napolitains qui ne s’imaginaient pas qu’il pût y avoir de l’artillerie sur les hauteurs de Madia, ne furent pas peu stupéfaits quand ils se virent tout d’un coup assaillis par un feu des plus vifs. Néanmoins, ils continuèrent de s’avancer avec beaucoup de fermeté, et sans marquer de l’hésitation, conduits par leur général Aquino. Arrivés à portée efficace de la  mitraille, le premier carré fit halte ; et commença, de front un feu de files bien nourri. L’artillerie, postée près de Canto Gallo ; redoubla le sien. Le régiment de Chasteler, animé par la présence du Lieutenant Général  Bianchi, restait inébranlable, avec l’arme au bras, en face de l’ennemi qui ne discontinuait son feu des plus vifs. Les napolitains qui s’étaient persuadés que les autrichiens se retireraient devant tant de supériorité de forces, furent tellement frappés de leur contenance, qu’ils cessèrent leur feu, et les deux partis se trouvèrent ainsi, pendant quelques minutes, vis-à-vis l’un de l’autre à se  regarder ». Bianchi n’hésita alors pas à lancer sur le flanc du premier carré les deux escadrons du régiment de Toscane tout en donnant l’ordre au régiment de Chasteler de charger en ligne, de front, le même carré. L’effet de l’artillerie, le mouvement de cavalerie, le souvenir de la défaite récente du carré, l’assurance et la contenance des fantassins de Chasteler, firent une telle impression sur les napolitains, que le carré hésita puis s’enfuit, emmenant avec lui les trois autres carrés. Les généraux autrichiens, voyant s’enfuir l’aile droite napolitaine, lancèrent toutes leurs troupes en avant. L’énergie que les autrichiens mirent dans la poursuite transforma la retraite en déroute. Pépé rajoute : « les autrichiens cependant ne tirèrent que très peu de profits de notre mauvaise fortune et de nos erreurs […]  ils (les autrichiens) continuèrent à rester dans l’inaction la plus complète, comme si la fortune qui venait de les combler de milliers de façons ne leur offrirait pas le triomphe de notre humiliation ». Cette vision est très largement contestée par les faits qui virent l’ensemble de la ligne autrichienne s’avancer.

 

Gilles Boué 

auteur de "Napoléon en Italie, 1805 - 1815" et "l'armée de 1814"

 

membre du forum de la S.E.H.R.I.

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