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l'éphémère 6e régiment étranger

A l’automne 1813, plusieurs contingents étrangers au service français participèrent au repli opéré par la Grande Armée en direction du Rhin. Pour autant, Napoléon ‒ méfiant quant à leur loyauté ‒ ne les récompensa nullement. Et de fait, les décisions impériales impliquèrent deux logiques différentes. Ainsi, une large partie des anciennes troupes alliées de l’Empire fut considérée comme prisonnière de guerre ; le reste fut dissout et transformé en régiments de pionniers, soldés comme tels. A la chute de l’Empereur, le retour dans leurs foyers de ces militaires étrangers se révéla difficilement envisageable, en raison de l’hostilité de leurs compatriotes à leur égard. C’était tout particulièrement le cas des Espagnols ayant servi le roi Joseph Bonaparte, mais également des soldats de l’ex-Légion portugaise.

Lors de la 1ère Restauration de Louis XVIII, furent formés trois régiments étrangers, non compris les Suisses. En décembre 1814, une ordonnance royale édicta que les soldats espagnols et portugais encore à la solde française et aptes à servir devaient constituer un régiment colonial étranger, d’une force – toute théorique ‒ de trois bataillons, à l’instar du reste de l’infanterie de ligne. En outre, ladite ordonnance stipulait que les couleurs distinctives de l’uniforme seraient déterminées ultérieurement. Le 16 février 1815, une nouvelle ordonnance décréta que les contrats d’engagement dans les troupes étrangères devaient être d’une durée de six ans. Simultanément, une épuration fut réalisée, si bien qu’au mois de mars, seuls 1752 militaires étrangers demeuraient au service des Bourbons.

De retour au pouvoir, Napoléon – pressé par les événements ‒ fit flèche de tout bois pour reconstituer une armée apte à défendre le territoire menacé d’une invasion imminente. Et de fait, il comptait sur la prompte mobilisation d’environ 3500 étrangers, en particulier celle des Polonais – demeurés sur le sol français en 1814 – et des Belges, relativement mal considérés dans la toute nouvelle armée du royaume des Pays-Bas.

Face à l’urgence et afin d’accroître la logique de groupe des engagements, l’Empereur fit le choix de régiments organisés par nationalité. Le 3 avril, il s’adressa au maréchal Davout – prince d’Eckmühl et ministre de la Guerre – en ces termes : « Il faudrait organiser cinq régiments étrangers. Le premier se composera des déserteurs piémontais et italiens ; il se réunira à Chalon-sur-Saône. Le second se composera des Suisses, qu’on pourra réunir du côté d’Amiens. Les Polonais formeront un troisième qu’on réunira à Soissons. Le quatrième régiment se composera d’Allemands qu’on réunira sur la Loire du côté de Tours. Enfin, le cinquième se composera de Belges qu’on réunira à Amiens ». De plus, la lettre stipulait que ces troupes étrangères seraient vêtues conformément à leurs traditions. Trois décrets – datés respectivement des 11, 15 avril et 20 mai – entérinèrent cette organisation. Furent néanmoins créés trois nouveaux régiments composés d’Espagnols et de Portugais pour le 6e, d’Irlandais pour le 7e, et d’Italiens pour le 8e.

Dans ce contexte, le régiment colonial étranger – envoyé en garnison à Tours en mai 1815 – devait servir de base à la formation du 6e régiment étranger. Cependant, sa force atteignait à grand-peine celle d’un bataillon lorsque la nouvelle de la défaite de Waterloo parvint à Paris. A ce propos, les événements conduisirent le colonel de l’unité – un dénommé Tellechea – à assurer le commandement supérieur de la place tourangelle. En outre, il se rallia au nouveau gouvernement et maintint l’ordre dans la cité face aux éléments de l’ex-armée impériale refluant sur la Loire. Son action, reconnue tant par le duc d’Angoulême que par les autorités locales, n’empêcha toutefois ni sa mise en demi-solde, ni le licenciement de son unité, opéré en octobre 1815.

 

Par Didier Davin +

Président du Bivouac

 

membre décennal de la SEHRI.

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