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les Cents Jours de Murat : la fin

Maurice Weil dans sa magistrale étude sur la dernière année du règne de Murat écrivit : « au lieu de renouveler son attaque, de tenter un suprême effort, de lancer tout ce qu’il a de monde autour de lui à l’assaut de la position de Bianchi, sans avoir réellement été battu pas son adversaire, il donna l’ordre de battre en retraite. Quelques heures plus tard, sa ruine est consommée. En voulant sauver à la fois sa couronne et son armée, il n’est arrivé qu’à les perdre du même coup. »  Le sort semble s’acharner sur l’infortuné Murat, son chef d’état major le général Millet de Villeneuve commit une erreur grossière digne d’un jeune Aide de camp, en envoyant ses ordres de retraite par écrit se finissant par un « subito » (immédiatement) qui précipita la retraite ordonnée et voulue par Murat, en effroyable déroute. C’est l’obstination bornée du général Pignatelli, dont la division devait couvrir la retraite, à suivre aveuglément la lettre reçue de l’état major qui précipita le désastre. La division de la Garde abandonna une position couvrant la retraite sans combattre. Laissant les deux ailes de l’armée exposées à une prise de flanc, ce dont les autrichiens ne se privèrent pas.  Les pertes de la bataille de Tolentino furent minimes : les autrichiens déclarèrent avoir eu 3 officiers et 207 hommes tués ainsi que 27 officiers et 793 hommes blessés, 33 disparus et 120 prisonniers. Les napolitains eurent 1722 hommes mis hors de combat sans compter les centaines de prisonniers dont le nombre s’accrut dans la nuit du 3 et la journée du 4 mai.

 

En 2005, l’association Tolentino organisa un colloque dans lequel l’historien autrichien Herbert Zima se lança dans l’exercice hautement périlleux du « what if » autour de la problématique suivante : Murat aurait il pu jamais gagner à Tolentino ? Zima mit en avant l’appréciation du maréchal Berthier : « le roi de Naples est extraordinairement indiqué à exécuter sur le champ de bataille les ordres d’un commandant supérieur. Le roi de Naples toutefois n’est pas absolument pas indiqué au rôle de commandant supérieur »  cette lettre à Napoléon du  16 décembre 1812, trouvait des échos en mai 1815. Cette incompétence supposée du Roi Murat est renforcée par un extrait des mémoires du général d’Ambrosio  qui indique : « qu’il n’avait pas été capable de venir à connaissance d’un plan napolitain de campagne ». Aux fautes du Roi , Herbert Zima y ajoute l’Inconséquences du général Millet de Villeneuve, chef d’état major dont les ordres contradictoires transformèrent une retraite ayant des chances de réussir en fuite désordonnée.  La charge de l’historien  se confirme par un catalogue d’errements : la faiblesse fut dans l’exécution d’ordres sains : perte de temps le 1er mai, retards dans la mise en mouvement des divisions, réserves dispersées dans les vallées secondaires au lieu de soutenir la ligne le 2 mai. Le 3 mai, erreurs de déploiements tactiques de la 2ème division ; tirailleurs trop éloignés de la ligne principale donc non soutenus, attaque en carré sur un terrain inadapté et sous les canons autrichiens qui n’en demandaient pas tant. Bianchi raconta : « si à Fontenoy quatre canons avaient donné un virage à la bataille, à Tolentino  ils furent trois ».

 

Insignifiante d’un point de vue militaire, la bataille de Tolentino est un des piliers de l’histoire Italienne.  C’est dans ces conséquences politiques que ce combat perdu est devenu une date à jamais mémorable. On ne peut s’empêcher de ressentir des analogies entre la défaite de Murat et celle de Napoléon, quelques semaines plus tard. Comme Waterloo, Tolentino marque la fin d’un système. Mais l’analogie s’arrête là, Waterloo n’engendra que de la gloire et une page finale à l’épopée napoléonienne. Tolentino marque les débuts d’une ère nouvelle. La folle tentative de Murat, loin d’être stérile a marqué la voie dans laquelle les patriotes Italiens devaient s’engager. Voie que sans se laisser décourager par les revers et la répression, les patriotes allaient suivre pendant plus d’un demi-siècle. La sagesse populaire s’exprima dès l’été 1815 dans un quatrain composé par un poète inconnu.

Fra Macerata e Tolentino

E finito il Re Gioacchino !

Fra il Chienti et la Potenza

Fini …l’Indipendenza !

 

Gilles Boué 

auteur de "Napoléon en Italie, 1805 - 1815" et "l'armée de 1814"

 

membre du forum de la S.E.H.R.I.

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