1815 : parer la menace royaliste

A l’annonce du débarquement de Napoléon sur le sol français, Louis XVIII confie les pouvoirs de gouverneur-général du sud-ouest au duc d’Angoulême. Celui-ci arrive à Nîmes le 14 mars et cherche à soulever le Midi de la France. Pour ce faire, il forme deux colonnes, à l’aide d’une troupe de volontaires du Var, des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, du Gard et de l’Hérault, ainsi que d’hommes issus des 10e et 63e régiments d’infanterie de ligne. L’une est dirigée sur Grenoble, l’autre doit s’emparer de Lyon. Avertis de l’arrivée de la première colonne, les patriotes dauphinois se rassemblent et la font reculer. La seconde colonne, menée par le duc en personne, remonte la vallée du Rhône et s’empare sans coup férir de Valence. A Toulouse, les barons Vitrolles et Damas s’efforcent d’organiser un gouvernement, mais le général Delaborde et ses troupes, ralliés à Napoléon, les en empêchent. Isolée à Bordeaux, la duchesse d’Angoulême résiste. Son échec la conduit néanmoins à s’embarquer pour l’Angleterre le 3 avril. Malgré des succès à Loriol et à Romans, le 1er avril, les royalistes sont finalement défaits à Pont Saint-Esprit, où le duc est capturé le 8.

 

Des compagnies de volontaires se sont formées dans l’Isère et dans le Rhône pour parer à cette menace royaliste. Dans l’Ain, l’annonce du soulèvement royaliste a également ravivé les sentiments républicains. Le 4 avril, Baude, préfet de l’Ain, indique ainsi que le département fournit un contingent considérable aux compagnies de volontaires levées pour arrêter la marche du duc d’Angoulême1. Quoique les volontaires affluent de tout le département, le Bugey se distingue. En effet, pas moins de 220 volontaires de la garde nationale quittent les cantons de Saint-Rambert, Ambérieu, Hauteville, Belley et la commune de Seyssel pour se réunir à Lyon. Le 7 avril, une compagnie de volontaires est levée à Nantua. Composée d’un capitaine, d’un lieutenant, d’un sous-lieutenant, d’un sergent-major, de 8 sergents, d’un fourrier, de 9 caporaux et de 65 volontaires – dont un tambour –, elle se met rapidement en marche et rejoint les fédérés à Lyon. 68% de ces volontaires sont des civils ayant déjà servis dans la garde nationale. Ces « bourgeois »2 forment 85% des hommes du rang, mais seulement 20% des cadres. Ces derniers sont – essentiellement – d’anciens sous-officiers de la Garde Impériale, de la cavalerie ou de l’infanterie. Au total, ils forment 31% des hommes de la compagnie, dont seuls 37 servent comme simple volontaire. Le 10 avril, alors que la compagnie de Nantua est déjà arrivée à Lyon, celle de Seyssel embarque sur un bateau de poste fourni par la mairie. Les hommes, « armés de fusils de munition à bayonnette, précédés  par leur tambour », arrivent à Lyon aux cris de « Vive l’Empereur ! » et sont immédiatement passés en revue. Ils sont toutefois renvoyés dans leur département le 13. Ils y arrivent trois jours plus tard, tous porteurs « d’un aigle suspendu à un ruban tricolore »3 et au milieu d’une foule chantant des couplets patriotiques.

La capture du duc d’Angoulême et le reflux de la menace royaliste impliquent le licenciement des compagnies de volontaires. Si la très grande majorité des hommes rentrent rapidement dans l’Ain, près de 10% des effectifs de la compagnie de Nantua s’engagent dans les troupes de ligne, principalement au sein de régiments de hussards. De même, une partie des gardes nationaux restent sous les armes et participent à la Fédération de Lyon, du 16 au 22 avril. Aussi ces levées, liées à des mouvements fédératifs spontanés, marquent-ils l’apparition d’un bonapartisme populaire ancré dans l’esprit jacobin de 1793.

 

Jérôme Croyet

président de la S.E.H.R.I.

 

1 Tiersot, E., La Restauration dans le département de l’Ain 1814-1816, Champion Editeur, 1884.

2 Archives communales de Nantua, série H, Liste des volontaires de Nantua.

 

3 Archives Départementales de l’Ain, 4R 6, Etat nominatif des volontaires de la garde nationale de la ville de Seyssel, Seyssel, 16 avril 1815.

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